CHAPITRE XI. ILS ADORENT LE SOLEIL ET LA LUNE.
Par conséquent, à travers leurs rêves fantastiques et leurs fables, les Manichéens adorent, sans le savoir, les idoles et les démons; ils savent que, dans le soleil et dans la lune, ils servent la créature, et s'ils pensent servir aussi le Créateur, ils se trompent beaucoup: car ils servent leur fantôme, et nullement le Créateur, puisqu'ils nient que Dieu ait créé ce que l'Apôtre démontre clairement appartenir à l'ordre de la création, quand il dit, à propos de nourriture et de viande : « Car toute créature de Dieu est bonne, et on ne doit rien rejeter de ce qui se prend avec actions de grâces[^5] ». Voyez ce que c'est que la saine doctrine, en haine de laquelle vous vous tournez vers des fables. Et de même que l'Apôtre trouve bonne la créature de Dieu, tout en défendant de lui rendre un culte religieux de même Moïse (qui vous semble n'avoir rien respecté de divin, uniquement, je le soupçonne, parce qu'il a défendu d'adorer le soleil et la lune[^1] que vous suivez dans leur cours en vous tournant dans tous les sens pour les adorer), Moïse, dis-je, a honoré d'une vraie louange le soleil et la lune, en racontant qu'ils ont été créés par Dieu et placés dans l'ordre des corps célestes pour accomplir la mission qui leur est confiée : « Le soleil pour présider au jour, la lune pour présider à la nuit[^2] ». Vos louanges menteuses, au contraire, ne font aucun plaisir au soleil ni à la lune. Le diable, créature rebelle, aime les fausses louanges; mais les puissances des cieux, qui ne sont point déchues par le péché, veulent qu'on exalte en elles celui qui les a faites; et leur vraie louange est celle qui ne préjudicie point à la gloire de leur Créateur. Or, on outrage celui-ci, quand on dit qu'elles sont ses parties, ou ses membres, ou une portion de sa substance. Car étant parfait, n'ayant besoin de rien, ne coulant nulle part, n'étant point divisé, sans étendue locale, entièrement immuable en lui-même, se suffisant à lui-même, heureux par lui-même, il a, dans son immense bonté, parlé par son Verbe et tout a été fait : il a ordonné et tout a été créé[^3]. Par conséquent, si les corps terrestres, dont l'Apôtre parlait quand il disait qu'il n'y a pas de nourriture immonde, si, dis-je, ces corps sont bons, « parce que toute créature de Dieu est bonne », à combien plus forte raison les corps célestes, parmi lesquels brillent le soleil et la lune, puisque le même Apôtre dit : « Il y a des corps célestes et des corps terrestres ; mais autre est la gloire des célestes, autre celle des terrestres[^4]».
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I Tim. IV, 4.
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Deut. XVII, 3.
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Gen. I, 16; Ps. CXXXV, 8, 9.
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Ps. CXLVIII, 5.
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I Cor. XV, 40.