Edition
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De Trinitate
XVI.
[XVI 17] Nec moveat quod spiritus sanctus, cum sit coaeternus patri et filio, dicitur tamen aliquid ex tempore veluti hoc ipsum quod donatum diximus. Nam sempiterne spiritus donum, temporaliter autem donatum. Nam et si dominus non dicitur nisi cum habere incipit servum, etiam ista appellatio relativa ex tempore est deo; non enim sempiterna creatura est cuius est ille dominus. Quomodo ergo obtinebimus nec ipsa relativa esse accidentia, quoniam nihil accidit deo temporaliter quia non est mutabilis sicut in exordio huius disputationis tractavimus?
Ecce dominum esse non sempiternum habet ne cogamur etiam creaturam sempiternam dicere, quia ille sempiterne non dominaretur nisi etiam ista sempiterne famularetur. Sicut autem non potest esse servus qui non habet dominum, sic nec dominus qui non habet servum. Et quisquis exstiterit qui aeternum quidem deum solum dicat, tempora autem non esse aeterna propter varietatem et mutabilitatem, sed tamen tempora non in tempore esse coepisse (non enim erat tempus antequam inciperent tempora, et ideo non in tempore accidit deo ut dominus esset quia ipsorum temporum dominus erat quae utique non in tempore esse coeperunt), quid respondebit de homine qui in tempore factus est cuius utique dominus non erat antequam esset cui esset? Certe vel ut dominus hominis esset ex tempore accidit deo, et ut omnis auferri videatur controversia, certe ut tuus dominus esset aut meus qui modo esse coepimus ex tempore accidit deo. Aut si et hoc propter obscuram quaestionem animae videtur incertum, quid ut esset dominus populi Israhel? Quia etsi iam erat animae natura quam ille populus habebat – quomodo non quaerimus – tamen ille populus nondum erat et quando esse coepit apparet. Postremo ut dominus esset huius arboris et huius segetis ex tempore accidit quae modo esse coeperunt. Quia etsi materies ipsa iam erat, aliud est tamen dominum esse materiae, aliud esse dominum iam factae naturae. Alio enim tempore est etiam homo dominus ligni et alio tempore est dominus arcae quamvis ex ipso ligno fabricatae, quod utique non erat cum ligni dominus iam esset.
Quomodo igitur obtinebimus nihil secundum accidens dici deum nisi quia ipsius naturae nihil accidit quo mutetur, ut ea sint accidentia relativa quae cum aliqua mutatione rerum de quibus dicuntur accidunt? Sicut amicus relative dicitur, neque enim esse incipit nisi cum amare coeperit; fit ergo aliqua mutatio voluntatis ut amicus dicatur. Nummus autem cum dicitur pretium relative dicitur, nec tamen mutatus est cum esse coepit pretium neque cum dicitur pignus et si qua similia. Si ergo nummus potest nulla sui mutatione totiens dici relative ut neque cum incipit dici neque cum desinit aliquid in eius natura vel forma qua nummus est mutationis fiat, quanto facilius de illa incommutabili dei substantia debemus accipere ut ita dicatur relative aliquid ad creaturam ut, quamvis temporaliter incipiat dici, non tamen ipsi substantiae dei accidisse intellegatur sed illi creaturae ad quam dicitur? Domine, inquit, refugium factus es nobis. Refugium ergo nostrum deus relative dicitur; ad nos enim refertur; et tunc refugium nostrum fit cum ad eum refugimus. Numquid tunc fit aliquid in eius natura quod antequam ad eum refugeremus non erat? In nobis ergo fit aliqua mutatio; deteriores enim fuimus antequam ad eum refugeremus, et efficimur ad eum refugiendo meliores; in illo autem nulla. Sic et pater noster esse incipit cum per eius gratiam regeneramur quoniam dedit nobis potestatem filios dei fieri. Substantia itaque nostra mutatur in melius cum filii eius efficimur; simul et ille pater noster esse incipit, sed nulla suae commutatione substantiae. Quod ergo temporaliter dici incipit deus quod antea non dicebatur manifestum est relative dici, non tamen secundum accidens dei quod ei aliquid acciderit, sed plane secundum accidens eius ad quod dici aliquid deus incipit relative. Et quod amicus dei iustus esse incipit ipse mutatur; deus autem absit ut temporaliter aliquem diligat quasi nova dilectione quae in ipso ante non erat apud quem nec praeterita transierunt et futura iam facta sunt. Itaque omnes sanctos suos ante mundi constitutionem dilexit sicut praedestinavit, sed cum convertuntur et inveniunt illum, tunc incipere ab eo diligi dicuntur ut eo modo dicatur quo potest humano affectu capi quod dicitur. Sic etiam cum iratus malis dicitur et placidus bonis, illi mutantur non ipse; sicut lux infirmis oculis aspera, firmis lenis est, ipsorum scilicet mutatione non sua.
Übersetzung
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De la trinité
CHAPITRE XVI.
TOUT CE QUI SE DIT DE DIEU PAR RAPPORT AU TEMPS SE DIT DES RELATIONS ET NON DE LA SUBSTANCE.
- Quoique l’Esprit-Saint soit coéternel au Père et au Fils, nous disons néanmoins de lui des choses qui n’ont existé que dans le temps, comme d’avoir été donné. Mais ce langage ne doit point nous surprendre, car si l’Esprit-Saint, en tant que don de Dieu, est éternel, il n’a été donné que dans le temps. Et de même un homme n’est appelé maître que du jour où il a un serviteur. C’est ce que nous disons également de Dieu par rapport à l’acte de la création qui n’a été accompli que dans le temps. Car si Dieu est de toute éternité le maître de la créature, celle-ci n’est pas éternelle. Comment donc expliquer qu’en Dieu ces relations ne tombent point sur la substance, parce que son immutabilité s’oppose, comme je l’ai prouvé au commencement de ce traité, à ce qu’il soit soumis aux influences du temps et des lieux ? Non, nous n’osons affirmer que Dieu est de toute éternité le Maître de la créature, de peur que nous ne soyons contraints de dire que la créature elle-même est éternelle. Car Dieu ne peut de toute éternité commander à la créature, si de toute éternité celle-ci ne lui est assujettie. C’est ainsi qu’on ne saurait être serviteur si l’on n’a pas un maître, ni maître, si l’on n’a pas un serviteur.
Mais peut-être direz-vous qu’à la vérité Dieu est éternel, tandis que le temps est essentiellement fini et limité, en raison même de sa mobilité et de ses variations. Bien plus, comme le temps n’a point précédé le cours des siècles, puisqu’ils ont commencé simultanément, vous vous croirez autorisé à dire que Dieu, même en qualité de Maître, n’est point soumis au temps, parce que de toute éternité il est le Maître des siècles, qui ont donné au temps sa valeur et son existence. Mais que répondrez-vous au sujet de l’homme qui a été créé dans le temps, et dont le Seigneur ne pouvait se dire le maître avant qu’il ne l’eût créé ? certainement ce n’est que dans le temps que Dieu est devenu le maître de l’homme; et pour parler plus clairement encore, j’affirme que Dieu n’a pu que successivement devenir votre maître et le mien, puisque votre naissance et la mienne appartiennent aux périodes successives des siècles et des âges. Cette question vous paraît-elle obscure, parce que celle de l’éternité des âmes est encore douteuse?je m’explique en l’appliquant au peuple d’Israël. Comment Jéhovah est-il devenu le Dieu d’Israël? car en supposant même ce que je ne discute pas en ce moment, à savoir que l’âme de ce peuple fût déjà créée, il n’en est pas moins vrai que ce même peuple n’existait point encore comme peuple, puisque nous ne connaissons pas la date de son origine.
Selon le même ordre d’idées, j’affirme que le souverain domaine de Dieu sur les arbres et les moissons est soumis au temps. Et en effet les arbres et les moissons n’ont qu’une existence bien récente. Mais direz-vous : ils existaient en germes dès la création. Je vous l’accorde, et néanmoins vous m’avouerez qu’autre est la souveraineté qui s’exerce sur une matière brute et inerte, et autre celle qui régit la même matière polie et organisée. C’est ainsi qu’à des intervalles différents, je possède d’abord une pièce de bois, et puis, le coffre qu’elle a servi à confectionner. Car peut-on nier que le coffre n’existait pas encore, quand déjà je possédais le bois? Comme ut donc serons-nous en droit d’assurer qu’aucun accident n’atteint la substance divine ? Ce sera en disant que Dieu est essentiellement immuable et que tout ce qui tient à la mutabilité du temps, des lieux et des créatures, ne s’affirme de lui qu’indirectement et par relation. C’est dans ce même sens que je dis d’un homme qu’il (433) est mon ami. Car il n’a commencé de l’être que du jour où il a commencé de m’aimer; en sorte que ce titre d’ami implique en lui un certain changement de volonté. S’agit-il d’une pièce d monnaie avec laquelle je paie? C’est sans changer et dans un sens relatif qu’elle devient ou un prix ou un gage ou toute autre chose.
Ainsi une pièce de monnaie peut prendre bien des noms et les perdre sans que sa valeur substantielle et intrinsèque en soit altérée. Mais combien plus facilement dirons-nous du Dieu immuable et éternel que tout ce qui se produit dans le temps et par rapport aux créatures, ne tombe point sur sa substance, et ne se dit de lui que relativement à la créature ! « Seigneur, dit le psalmiste, vous êtes devenu notre refuge (Ps., LXXXIX, 1 ) ». Mais ici ce mot refuge ne s’applique à Dieu que relativement, tandis qu’à .notre égard il se prend dans un sens précis et direct. Et en effet, de ce que Dieu devient notre refuge, lorsque nous avons recours à lui, pouvons-nous conclure qu’il éprouve dans sa nature, ou substance, une modification quelconque, modification qui n’existait pas avant que nous n’eussions recours à lui ? Non, sans doute, et c’est en nous seulement qu’il s’opère quelque changement, puisque de mauvais que nous étions précédemment, nous devenons bons en prenant le Seigneur pour notre refuge. L’homme change, mais Dieu demeure immuable. Ainsi encore le Seigneur commence à devenir notre Père lorsque nous sommes régénérés par sa grâce, car « il nous a donné dit saint Jean, le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jean, I, 12 ) ». C’est donc l’homme qui devient meilleur par le fait de son adoption divine; et si le Seigneur commence alors à devenir son Père, cela n’implique aucun changement en sa nature.
Je me résume, et je dis que tout ce qui s’affirme de Dieu comme ayant commencé en lui à une date précise, et comme n’existant pas auparavant, ne s’affirme que relativement. Gardons-nous cependant de croire qu’en lui la substance divine soit modifiée par ces relations accidentelles, car elles n’atteignent que le sujet auquel nous les rapportons. L’homme devient juste en devenant l’ami de Dieu, et ainsi il change. Mais on ne saurait assigner une date à l’amour de Dieu pour cet homme, comme s’il ressentait présentement pour lui un amour qui soit nouveau, et qui n’existait pas auparavant. Un tel langage contredirait en Dieu cette vision qui lui montre le passé comme toujours présent, et le futur comme étant déjà passé. Et en effet, avant toute création Dieu a aimé-ses-élus, et il les a prédestinés à la gloire. Mais lorsque ceux-ci se tournent vers lui, et qu’ils le trouvent, nous disons qu’il commencé à les aimer. Du reste nous ne parlons ainsi que pour nous faire comprendre et pour suppléer à l’imperfection de tout langage humain. Et de même quand Dieu s’irrite. contre les méchants, et qu’il se montre bienveillant envers les bons, ce sont eux qui changent, tandis que lui-même reste immuable. C’est le phénomène de la lumière qui offense un oeil malade et réjouit un oeil sain. Certes la lumière est toujours la même, et notre oeil seul a changé.