24.
« Est-ce que »,dit Cyprien, « la puissance du baptême peut être plus grande et plus efficace que le martyre ou la profession publique de sa foi? Peut-il être plus utile d’être baptisé que de confesser sa foi devant les hommes ou d’être baptisé dans son propre sang? Et cependant », ajoute-t-il, « ce baptême de sang lui-même n’est d’aucune utilité à l’hérétique, quoiqu’il ait souffert la mort pour confesser Jésus-Christ hors de l’Eglise ». Cette dernière observation est parfaitement exacte, car, fût-on martyr hors de l’Eglise, on n’en resterait pas moins privé de cette charité dont l’Apôtre a dit : « Lors même que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, ma mort me devient absolument inutile (I Cor., XIII, 3)». Si le martyre ne sert de rien quand la charité manque, que peuvent donc espérer ceux qui, n’appartenant à l’unité que par jalousie ou par malveillance, sont évidemment privés de la charité, selon la pensée de saint Paul, développée par Cyprien; et cependant, ils peuvent recevoir et conférer le véritable baptême. « Hors de l’Eglise, dit-il, point de salut». Qui pourrait en douter? Par conséquent, les biens de l’Eglise, conférés hors de l’Eglise, ne peuvent rien pour le salut. Mais, autre chose est de ne point posséder ces biens, autre chose est de les posséder inutilement. Celui qui ne les possède pas doit en chercher la possession dans la réception du baptême; et celui qui les possède inutilement doit se corriger pour se rendre cette possession utile. « L’eau, dans le baptême des hérétiques, n’est nullement adultère ». En effet, rien de ce que Dieu a créé n’est mauvais; et, d’un autre côté, les paroles évangéliques, en passant par les lèvres des hérétiques, ne perdent rien de leur sainteté essentielle. Une seule chose est criminelle, c’est l’erreur, car l’âme qui s’y abandonne devient adultère , lors même que l’ornement du baptême lui aurait été donné par son époux légitime. « La possession du baptême peut donc nous être commune, à nous et aux hérétiques»; il en est de même de l’Evangile, quoique leur erreur soit directement opposée à notre foi, soit que leur doctrine sur le Père, ou le Fils, ou le Saint-Esprit, contredise la vérité; soit qu’ils dissipent, au lieu de recueillir avec Jésus-Christ, précisément parce qu’ils sont séparés de l’unité (Matt., XII, 30), Ainsi donc, pourvu que nous soyons le froment du Seigneur, il peut se trouver parmi nous, dans l’unité, des avares, des voleurs, des ivrognes et autres pécheurs de ce genre, dont il est dit qu’ « ils ne posséderont pas le royaume de Dieu (I Cor., VI, 10) »; or, ce qu’il y aura de commun entre eux et nous, ce sera le baptême et non pas les vices qui les exclueront du royaume de Dieu.