XXXII.
Il cite ensuite l'évêque de Carthage, Agrippinus, l'illustre martyr Cyprien , les soixante-dix prédécesseurs de Cyprien, et il soutient effrontément que la conduite qu'il tient, ils l'ont tous tenue avant lui. Quel dégoût ne doit pas inspirer l'erreur de ces hommes qui surprennent dans les personnages les plus illustres certaines faiblesses qu'ils se vantent d'imiter, tandis qu'ils se montrent absolument étrangers aux vertus qui ont brillé sur leur front ! N'en est-il point parmi eux qui, en reniant Jésus-Christ, veulent se comparer à Pierre? Pour faire sonner plus haut leur parenté avec cet Apôtre, ils iraient facilement jusqu'à contraindre les Gentils à judaïser. Ces faits sont, dans la vie de ce grand Apôtre, des taches regrettables; mais la grâce apostolique fut en lui si puissante que ces fautes furent aussitôt expiées. Je le déclare, sans hésitation aucune, non, aucun homme de notre temps ne saurait, non-seulement lui être préféré, mais même lui être comparé, cet homme fût-il un évêque qui n'aurait ni renié Jésus-Christ ni contraint les Gentils à judaïser. J'en dirai autant du glorieux martyr Cyprien. J'avoue qu'il refusait de croire que les hérétiques on les schismatiques pussent donner le baptême de Jésus-Christ, tant était grande l'horreur que lui inspirait toute rupture de cette unité catholique qu'il aima de toute la force de son âme. Mais tels furent les mérites et les gloires qui le conduisirent au martyre, que l'éclat de sa charité dissipa entièrement ce point ténébreux de sa vie, la branche déjà féconde devint plus féconde encore, et tout ce qu'il pouvait avoir à purifier ne l'eût-il pas été auparavant, l'aurait été amplement par les souffrances suprêmes de sa passion. De notre côté, si nous reconnaissons la vérité du baptême dans l'iniquité des hérétiques, gardons-nous de conclure que nous sommes meilleurs que Cyprien, et surtout meilleurs que Pierre, parce que nous ne forçons point les Gentils à judaïser. Je ferai le même raisonnement au sujet d'Agrippinus et des autres évêques qui ont pu se tromper au point de vue des conditions essentielles de l'unité, sans oublier toutefois que la charité couvre la multitude des péchés. Ainsi tous ceux qui marchaient dans la vérité de l'Eglise, à laquelle ils étaient parvenus, ont pu, comme le dit l'Apôtre, recevoir de Dieu des lumières particulières pour juger des choses autrement1. N'était-ce pas une question toute nouvelle que celle de savoir la marche à suivre pour recevoir les hérétiques? Est-il étonnant dès lors que quelques-uns de nos frères, saisis d'une horreur profonde contre l'hérésie, se soient troublés par la nouveauté même de leur situation, et aient cru sincèrement qu'ils devaient désapprouver le bien même qu'ils retenaient pour leur malheur ? Je veux exprimer brièvement ma pensée sur ce point : supposé qu'ils aient admis la nécessité de rebaptiser les hérétiques, c'était là, de leur part, une erreur toute humaine ; mais admettre, comme nos adversaires le prétendent, la nécessité de rebaptiser les catholiques, c'est évidemment une présomption diabolique.
-
Philip. III, 15. ↩