VII.
Nous aussi, nous suivons cette règle apostolique qui nous a été transmise par nos pères dans la foi. Si donc nous trouvons quelque bien, même dans les hommes pervers, nous corrigerons leur perversité, mais nous respecterons le peu de bien qui leur reste; de cette manière, loin de détruire le bien, sous prétexte de mieux déraciner le mal, nous nous servons du bien que nous trouvons dans l'homme pour corriger le mal dont il est la victime. Du temps des Apôtres, on entendait dire à des chrétiens : « Moi je suis de Paul; moi je suis d'Apollo; moi je suis de Céphas ». Ces noms n'étaient pas des noms d'impies, mais de saints personnages, et cependant ils servaient de prétextes à des schismes criminels, dont le crime devait être exclusivement attribué aux fidèles eux-mêmes. D'un autre côté, ils savaient parfaitement que Jésus-Christ a été crucifié pour eux, qu'ils avaient été baptisés en son nom; cette connaissance n'était pas le fruit de leur erreur, mais de la libéralité divine. Ils tenaient donc cette vérité de Dieu enchaînée dans l'iniquité de leurs schismes. C'est de cette vérité que saint Paul s'empare adroitement, non pas pour la détruire en détruisant ces vices, mais pour la confirmer de nouveau et s'en faire à leurs yeux un moyen de conversion. « Est-ce donc Paul quia été crucifié pour vous? » leur dit-il. « Ou bien est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés1 ? » On voit que l'Apôtre s'appuie sur la vérité que ces fidèles tenaient de Dieu, pour leur inspirer la honte de l'erreur à laquelle ils s'abandonnaient. C'est ainsi que l'on dit au Juif : Conservez la foi que vous aviez à la résurrection des morts, mais croyez ce que vous ne croyiez pas; c'est-à-dire que Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts; en effet, cette vérité de Dieu, qui a pour objet la résurrection des morts, vous la retenez dans l'iniquité , en refusant de croire que Jésus-Christ soit ressuscité. On dit également à l'idolâtre : Conservez la croyance que vous aviez à la création de l'univers par le seul Dieu véritable, mais gardez-vous de voir des dieux dans des bois ou des pierres, ou dans les parcelles de ce monde que vous adorez. En effet, cette vérité de Dieu, en vertu de laquelle vous croyez que le monde a été créé par Dieu, vous la retenez dans votre iniquité, en vous rendant l'adorateur des faux dieux. De même en s'adressant à un hérétique qui a conservé dans leur intégrité les sacrements, tels que l'Église catholique les enseigne, on lui dit : Conservez, comme vous le conserviez, le baptême chrétien donné au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit:; mais reconnaissez l'autorité de cette Eglise qui, selon la prophétie, se répand dans tout l'univers, et contre laquelle vous lanciez vos malédictions sacrilèges. En effet, cette vérité de Dieu, qui a pour objet l'unité du baptême, vous la retenez dans l'iniquité de votre division. Corrigez l'iniquité de votre innovation hérétique, de crainte qu'elle ne. vous perde; et si vous conservez la vérité du sacrement chrétien, gardez-vous d'y trouver un sujet d'orgueil, car cette vérité même devient contre vous un juge redoutable. Loin de moi d'abhorrer votre iniquité jusqu'au point de nier la vérité de Jésus-Christ que je trouve en vous pour votre condamnation ! Loin de moi de vous corriger jusqu'au point de détruire le principe même qui doit me servir pour opérer votre conversion 1 Puis-je et dois-je détruire ce que je trouve de vrai dans l'âme des hérétiques, quand je vois l'Apôtre respecter ce qu'il trouvait de vrai jusque dans la pierre idolâtrique des païens?
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I Cor. I, 12, 13. ↩