14.
Et Job, après le magnifique témoignage que Dieu rendit à sa vertu, Job que dit-il de lui-même ? Ecoutons-le « Je sais en toute vérité qu'il en est ainsi. Car comment l'homme sera-t-il juste devant le Seigneur? S'il veut plaider avec Dieu, il ne pourra être obéissant à ses lois ». — Et un peu plus loin : « Qui pourra tenir bon contre le jugement de Dieu ? Si j'ose me déclarer juste, ma bouche prononcera une parole impie ». Et plus loin encore : « Je sais que Dieu ne me laisse point impuni. Puisque je suis impie, pourquoi ne suis-je pas mort déjà ? Quand bien même j'aurais été blanchi comme la neige, quand même je serais lavé par des mains pures, vous m'avez suffisamment trempé dans les souillures1 ». C'est encore Job qui dit ailleurs et longuement de lui-même : « Mon Dieu, vous avez tenu de mes misères un compte écrit et complet ; vous m'avez revêtu des péchés de ma jeunesse ; vous avez placé mon pied près de vos défenses sévères ; vous avez observé toutes mes oeuvres et inspecté la trace de mes pieds ; et ceux-ci vieillissent et se souillent comme l'outre qui enferme le vin, comme le vêtement que rongent les vers. Car l'homme, né de la femme, vit peu de temps, et emplit ses jours de colère; il est pareil à la fleur qui s'épanouit et qui tombe ; il passe comme l'ombre, sans jamais s'arrêter. Et toutefois, n'est-ce pas votre volonté expresse qu'il arrive un jour à votre tribunal? Eh ! qui donc, cependant, sera pur de souillures? Personne, pas même l'enfant qui n'aura vécu qu'un seul jour », Et plus loin, enfin : « Vous avez compté, ô mon Dieu, mes inévitables misères ; aucun de mes péchés ne vous a échappé; vous avez marqué mes péchés dans votre livre ; vous y avez noté tout ce que j'ai pu commettre malgré moi2 ».
Voilà donc Job qui confesse ses péchés, et qui déclare savoir en toute vérité que personne n'est juste devant le Seigneur. Et il le sait en toute vérité, parce que si nous disons que nous n'avons pas de péché, la vérité même cesse d'être avec nous. Concluons que si Dieu, parlant d'après la mesure de notre humaine vertu, rend à Job un si magnifique témoignage, Job, au contraire, se mesurant à cette règle de la souveraine justice qu'il aperçoit, comme il peut, en Dieu lui-même, déclare en toute vérité ce qu'il est réellement. Aussi ajoute-t-il : « Car comment un homme sera-t-il juste devant le Seigneur? S'il veut plaider avec lui, il ne pourra lui être obéissant » ; c'est-à-dire, si à l'heure du jugement il veut démontrer qu'on ne peut trouver en lui aucun sujet de condamnation, il ne pourra dès lors obéir à Dieu ; il perdra, en effet, cette obéissance même qui lui fait une loi devant Dieu de confesser ses péchés. De là encore ce reproche que Dieu fait à quelques-uns : « Pourquoi voulez-vous », leur dit-il, « entrer en jugement avec moi3 ? » Aussi le Psalmiste se précautionne contre un reproche semblable : « N'entrez pas en jugement avec votre serviteur », dit-il, « parce qu'aucun homme vivant ne sera justifié devant vous ». Et c'est la même raison qui dicte cette maxime de Job : « Qui pourra, en effet, tenir bon devant son jugement ? Quand même je serais juste, ma bouche le déclarerait avec impiété », c'est-à-dire, si, à l'encontre de son jugement, où cette règle parfaite de justice me convainc d'injustice, j'ose pourtant me déclarer juste, bien certainement ma bouche parlera un langage impie, parce qu'elle parlera contre la vérité de Dieu.