23.
Mais est-ce une obligation pour- nous d'être tellement parfaits dans la pratique de la justice, que nous ne commettions aucun péché? Oui, tel est le précepte de Dieu, et nous ne pouvons le nier. Car une action quelle qu'elle soit ne peut être un péché, si le précepte divin ne vient pas l'interdire.
On objecte : « Pourquoi donc Dieu fait-il un précepte, sachant qu'aucun homme ne l'accomplira ? » — On aurait aussi bien le droit de demander pourquoi Dieu a fait une défense aux premiers humains, qui étaient en tout deux personnes, sachant qu'ils n'obéiraient pas? Car, ici, on n'aurait pas même à répondre qu'il a voulu néanmoins formuler un précepte, afin qu'à défaut de nos premiers parents, quelqu'un d'entre nous obéit; mais non : car, cette défense de manger du fruit d'un certain arbre, Dieu ne l'intima qu'à eux seuls, parce que, comme il savait l'injustice qu'eux-mêmes devaient commettre, il savait aussi la justice qu'il en devait tirer. Par une vue analogue il défend à tous les hommes de commettre aucun péché, bien qu'il prévoie qu'en ceci personne n'accomplira sa loi c'est afin que, d'une part, si des individus, quels qu'ils soient, sont assez impies, assez damnables pour mépriser ses commandements, lui-même fasse dans leur damnation l'oeuvre de sa justice ; c'est aussi, d'autre part, afin que si des justes, quels qu'ils soient, avancent avec piété et obéissance dans la voie de ses commandements, sans remplir cependant tout ce qu'il a prescrit, mais remettant à autrui comme eux-mêmes veulent qu'il leur soit remis, Dieu de son côté fasse dans leur guérison l'oeuvre de sa bonté. Mais aussi, je le demande, la miséricorde de Dieu remettrait-elle à celui qui remet aux autres, si la dette ici n'était pas le péché? Et si le péché existe jusque dans les parfaits, comment la justice divine ne défendrait-elle pas qu'on le commît?