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Mais je n'insiste pas davantage , de crainte que la question qui nous occupe ne paraisse une simple question de mots. Voyons donc ce qu'est l'homme intérieurement est-il une âme, ou un esprit, ou tout à la fois une âme et un esprit? Si j'en juge par vos écrits, vous définissez l'homme intérieur une âme. En effet, voici vos paroles : « Cette substance, d'abord insaisissable, se coagule peu à peu, de manière à devenir un autre corps englobé.dans le corps extérieur, par la force et le souffle de sa nature; c'est ainsi qu'apparut l'homme intérieur, renfermé comme dans un fourreau corporel, et imprimant à ce fourreau les formes et les habitudes extérieures correspondantes à sa propre nature ». Vous concluez : «C'est donc le souffle de Dieu qui a fait l'âme ; bien plus, ce souffle est devenu l'âme, de forme substantielle, corporelle par sa nature, et parfaitement semblable à son corps ». De là vous passez à l'esprit: «Cette âme, qui a pour origine le souffle de Dieu, n'a pu exister tant qu'elle n'était pas douée du sens propre et de l'intellect intime que nous appelons l'esprit ». Si je ne me trompe, l'homme intérieur c'est l'âme ; l'homme intime c'est l'esprit, lequel est intérieur à l'âme, comme l'âme est intérieure au corps. De même donc que le corps, dans le vide intérieur qu'il pré. sente, reçoit, selon vous, un autre corps appelé l'âme ; de même l'âme présente en elle-même un certain vide dans lequel elle reçoit un troisième corps appelé l'esprit ; de cette manière nous pouvons distinguer l'homme extérieur , l'homme intérieur et l'homme intime. Voyez-vous enfin à quelles absurdités vous vous exposez en soutenant que l'âme est corporelle? Ensuite veuillez donc me dire ce qui sera renouvelé pour la connaissance de Dieu selon l'image de celui qui l'a créé1 ? Est-ce l'homme intérieur ou l'homme intime ? J'entends bien l'Apôtre parler de l'homme intérieur et de l'homme extérieur, mais je ne le vois nulle part parler de l'homme intime ou intérieur à l'homme intérieur. Quoi qu'il en soit, choisissez celui que vous voudrez pour le destiner à être renouvelé selon l'image de Dieu ; comment donc pourra recevoir cette image celui qui a déjà pris l'image de l'homme extérieur? En effet, si l'homme intérieur a déjà couru dans les membres de l'homme extérieur et s'y est coagulé; je me sers à dessein de cette expression, telle que vous l'avez employée, comme si vraiment ce corps formé de poussière avait été réduit en fusion ; comment l'homme peut-il être reformé à l'image de Dieu, si la première forme qui lui a été imprimée par le corps reste absolument la même ? Portera-t-il donc en lui-même deux images, l'une lui venant d'en haut, c'est-à-dire de Dieu; l'autre lui venant d'en bas, c'est-à-dire du corps, absolument comme sur les pièces de monnaie on trouve : croix ou pile? Vous répondez peut-être que l'âme a pris l'image du corps, et que l'esprit recevra l'image de Dieu , puisque l'âme se rapproche davantage du corps, tandis que l'esprit touche de plus près à Dieu. C'est donc l'homme intime qui sera réformé à l'image de Dieu, et non pas l'homme intérieur ? Vaine excuse. En effet , si cet homme intime est répandu dans tous les membres de l'âme, comme l'âme est répandue dans tous les membres du corps; il est certain que, par l'âme, il a déjà pris l'image du corps; et qu'il a reçu de cette âme une forme toute spéciale. Si donc cet homme intime conserve l'image du corps, comment recevra-t-il l'image de Dieu, à moins, comme je l'ai dit, qu'il ne ressemble aux pièces de monnaie et qu'il ne porte deux images, l'une supérieure et l'autre inférieure? Telles sont les absurdités auxquelles vous réduisent, bon gré mal gré, les idées charnelles que vous apportez dans l'étude de l'âme. D'un autre côté, comme vous l'avouez vous-même, Dieu n'est pas un corps: comment donc un corps peut-il recevoir l'image de Dieu? Je vous en conjure, frère bien-aimé, ne vous conformez pas aux idées de ce siècle, mais réformez-vous dans la nouveauté de votre esprit2, et ne jugez pas selon la chair, car c'est la mort3.