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Vincent Victor proclame hautement la spiritualité de Dieu, et eu cela je le félicite de ne point partager les erreurs de Tertullien, qui affirme que Dieu et l'âme sont des êtres corporels. Mais comment ne pas s'étonner que, en admettant la spiritualité de Dieu, ce jeune homme soutienne que Dieu tire de sa propre nature, et non pas du néant, un souffle corporel? Une telle doctrine ferait dresser les oreilles à tous les âges; comment donc lui supposer pour disciples des vieillards, voire même des prêtres ? Qu'il lise dans une assemblée publique ce qu'il a écrit; qu'il invite à cette lecture ses amis et les étrangers, les savants et les ignorants. Vieillards, rassemblez-vous avec les jeunes gens, apprenez ce que vous ignoriez, entendez ce que jamais vous n'avez entendu. Voici que ce jeune docteur vous enseigne que Dieu crée un souffle, non pas en le tirant d'une autre nature déjà existante, non pas même du néant, mais de lui-même, de sa propre nature, et quoique sa nature soit essentiellement spirituelle , le souffle qu'il en tire est réellement un corps. Il change donc en un corps sa propre nature, avant qu'elle soit changée en un corps de péché. L'auteur dit-il que Dieu ne change rien dans sa nature, lorsqu'il en forme le souffle? Mais ce n'est donc pas de lui-même que Dieu forme ce souffle, puisqu'il ne saurait être différent de sa propre nature. Se peut-il une 'absurdité plus grande? S'il nous répond que Dieu tire son souffle de sa nature, en demeurant intégralement ce qu'il est ; ce n'est point là la question; il s'agit de savoir si Dieu tire ce souffle non pas d'une autre nature, non pas du néant, mais de lui-même, en sorte néanmoins que ce souffle ne soit pas de la même nature que Dieu. En engendrant son Fils, le Père reste intégralement ce qu'il est; mais parce qu'il l'engendre de lui-même, il l'engendre de sa propre nature. Car, sans parler de son Incarnation, sans rappeler que le Verbe s'est fait chair, le Fils de Dieu est une personne différente de son Père, mais il n'est pas d'une autre nature que lui. Et cela parce que le Fils de Dieu n'a pas été engendré ni d'une autre créature, ni du néant, mais du Père; étant ainsi engendré du Père, il ne devait être ni plus parfait, ni d'une autre nature , mais égal, coéternel, absolument semblable, également immuable, également invisible, également incorporel, également Dieu; en un mot, il devait être absolument ce qu'est le Père, excepté qu'il est le Fils et non pas le Père. Mais si, tout en protestant que Dieu reste intégralement le même, vous soutenez qu'il crée non pas du néant, non pas d'une créature, mais de lui-même quelque chose qui est essentiellement différent de lui-même; si vous soutenez que d'un Dieu absolument incorporel peut émaner un corps, tout coeur catholique se révoltera contre une telle assertion; il y verra, non pas un oracle divin, mais le rêve d'un esprit en délire.