12.
Un peu plus loin il ajoute : «Quoique l'âme qui ne pouvait être pécheresse (sans la chair) ait mérité de devenir pécheresse a (par la chair), cependant elle n'est point demeurée dans le péché, parce que, préfigurée en Jésus-Christ, elle n'a pas dû demeurer dans le péché, pas plus qu'elle n'avait pu s'y jeter d'elle-même1 ». Veuillez me dire, je vous prie, si par la suite vous avez du moins lu et pesé ces paroles, et si vous vous êtes demandé ce que vous avez pu y louer quand on les lisait, ou ce qui vous avait arraché des élans si vifs d'actions de grâces après la lecture. Que signifient, dites-moi, des paroles telles que celles-ci : «Quoique l'âme, qui n'a pu être pécheresse, ait mérité d'être pécheresse? » « Elle a mérité de l'être, elle n'a pas pu l'être? » Comment pouvait-elle mériter de devenir pécheresse, si ce n'est parce qu'elle avait déjà commis le péché ou qu'elle était déjà pécheresse? et si elle l'était, c'est donc qu'elle pouvait l'être. Par conséquent, avant d'avoir autrement démérité, elle avait déjà péché, et en péchant elle avait mérité d'être abandonnée par Dieu, et de se précipiter dans d'autres péchés. Ces mots : « L'âme ne pouvait être pécheresse », signifient-ils dans sa pensée que si l'âme n'avait point été unie à la chair, elle n'aurait pu devenir pécheresse? Mais alors, comment donc l'âme a-t-elle pu mériter d'être envoyée dans la chair où elle devait trouver le triste pouvoir de devenir pécheresse, pouvoir qu'autrement elle n'aurait jamais possédé ? Qu'a-t-elle donc mérité ? Si elle a mérité de devenir pécheresse, comment l'a-t-elle mérité si ce n'est par le péché ? Toutes ces propositions peuvent paraître obscures ou être présentées comme telles, et cependant elles sont en elles-mêmes de la dernière évidence. En effet, si l'âme, avant d'être unie à la chair, n'a pu acquérir ni mérite ni démérite, comment peut-on dire qu' « elle a mérité de devenir pécheresse par la chair ? »
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Liv. 1, II. 8, et liv. III, n. 11. ↩