31.
Mais voici de quoi nous réjouir. Précédemment1 lorsque j'entendais Pélage s'écrier qu' « avec le secours de la grâce de Dieu, l'homme peut rester sans péché », je craignais que dans sa pensée la grâce ne fût rien autre chose que la puissance déposée par Dieu dans la nature avec le libre arbitre, comme il le disait clairement dans le livre qui m'a été remis et auquel j'ai répondu; je craignais enfin qu'il ne parvînt de cette manière à surprendre la bonne foi de ses juges. Mais quand je l'entends anathématiser ceux « qui soutiennent que la grâce et le secours de Dieu ne nous sont pas donnés pour chacune de nos actions en particulier, et qu'ils résident dans le libre arbitre, dans la loi et dans la doctrine », il devient évident à mes yeux que la grâce dont il parle est bien celle qui est enseignée dans l'Église de Jésus-Christ, et qui nous est conférée par l'action du Saint-Esprit pour nous aider dans chacune des actions que nous avons à accomplir. N'est-ce pas dans ce sens que nous ne cessons d'implorer le secours opportun pour nous empêcher de tomber dans la tentation? Il est vrai que Pélage avait dit ailleurs: « Celui-là seul peut rester sans péché, qui possède la science de la loi », et commentant ces paroles, il ajoutait: « Pour ne pas pécher, l'homme doit chercher son secours dans la connaissance de la loi2 ». Mais je ne crains plus qu'il confonde la grâce de Dieu avec cette connaissance de la loi. En effet, le voici qui lance l'anathème contre ceux qui embrassent cette erreur; le voici qui établit une différence essentielle entre le libre arbitre, la loi et la conscience, d'un côté, et, de l'autre, 1a grâce qui nous aide dans chacune de nos actions. Il ne lui reste plus qu'à confesser avec l'Apôtre que cette grâce nous est conférée parle ministère du Saint-Esprit3. N'est-ce pas de ce ministère que le Seigneur a dit: « Ne vous préoccupez ni de ce que vous direz, ni de la manière dont vous le direz; car au moment même ce que vous devrez dire vous sera inspiré. En effet, ce n'est pas vous qui parlez; c'est l'Esprit de mon Père qui parle en vous4?» Ne nous effrayons pas davantage de ces autres paroles : « Tous sont régis par leur volonté propre » ; paroles qu'il explique en affirmant « qu'il parlait ainsi à cause du libre arbitre, auquel Dieu vient en aide quand il s'agit de choisir le bien5 ». Pourrait-il prétendre que ce secours lui vient du libre arbitre lui-même et de la science de la loi, quand il frappe d'un juste anathème ceux « qui soutiennent que la grâce et le secours de Dieu ne nous sont pas donnés pour chacune de nos actions, et qu'ils ne sont autre chose que le libre arbitre, la loi et la doctrine ? » Il est donc bien certain que la grâce ou le secours de Dieu nous est donné pour chacune de nos actions, et que cette grâce n'est ni le libre arbitre, ni la loi ni la doctrine. Par conséquent il est vrai de dire que dans chacune de nos bonnes actions nous sommes régis par Dieu, et que ce n'est pas en vain que nous disons à Dieu : « Dirigez mes voies selon votre parole, afin que je ne tombe pas sous l'empire de l'iniquité6 ».