10.
Écoutez encore un autre ministre de Dieu, et que je vénère comme un père, car c'est lui qui m'a enfanté par l'Évangile en Jésus-Christ1, c'est par lui. que j'ai reçu le sacrement de la régénération. Je parle du bienheureux Ambroise, dont je sais par moi-même, et tout l'univers romain avec moi, la grâce, la constance, les travaux, les périls, soit dans ses oeuvres, soit dans ses discours, quand il s'agissait de prêcher ou de défendre la foi catholique. Expliquant donc dans l'Evangile de saint Luc ces paroles de David: «Le Jourdain s'est retourné en arrière2 » : «Ces paroles », dit-il, «annonçaient le futur mystère du bain salutaire, dans lequel les enfants baptisés renaissent à une vie nouvelle et sont dépouillés de la malice primitive qu'ils avaient revêtue avec la nature3 » Dans le même ouvrage il dit encore : «Marie a engendré dans une virginité parfaite, et le Saint-Esprit lui-même a déposé dans son chaste sein la semence immaculée d'où devait naître le Sauveur. Seul, en effet, parmi tous les enfants de la femme, Jésus Christ est né dans une sainteté parfaite; il n'a ressenti aucun des effets de la contagion originelle; cette contagion corruptrice a disparu devant sa céleste majesté4 ». Ailleurs encore nous lisons : « Nous mourons a tous en Adam, car le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et c'est ainsi que le péché est passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché. La faute d'Adam a donc été une cause de mort pour tous les hommes5 ». Plus loin, il dit également : « Prenez garde de commencer par vous a mettre à nu, comme Adam s'est aperçu de sa nudité, quand il cessa d'observer le précepte divin, quand il se dépouilla du vêtement de la foi et qu'il reçut cette blessure mortelle qui aurait frappé de mort le genre humain tout entier si le bon Samaritain, descendant du ciel, n'était venu guérir ses cruelles blessures6 ». Il ajoute : « Adam exista, et nous avons tous existé en lui; Adam a péri, et tous ont péri en lui7 ». Faisant l'apologie du prophète David, le saint évêque s'exprime en ces termes : «Avant même notre naissance, nous sommes déjà souillés par la contagion ; avant de jouir de la lumière, nous subissons l'injure de notre origine, nous sommes conçus dans l'iniquité. Le texte sacré ne dit pas si c'est dans l'iniquité de nos parents ou dans la nôtre. Toujours est-il que chacun est engendré o par sa mère dans le péché. L'auteur inspiré ne dit pas si notre mère nous enfante dans son propre péché, ou si nous avons déjà péché en naissant. Pourquoi ne dirions-nous pas que les choses se passent en nous a de cette double manière ? Notre conception même n'est pas exempte de péché, puisque a nos parents sont eux-mêmes tombés; d'un autre côté, si l'enfant n'est point sans péché, «à plus forte raison le péché doit-il atteindre «cette époque mystérieuse passée dans le «sein maternel? Nous sommes donc conçus dans le péché de nos parents, et nous naissons dans leur iniquité. D'ailleurs, l’enfantement lui-même porte avec lui sa propre a contagion, et cette contagion peut n'être pas seule pour notre nature8 ». Dans son commentaire sur le livre de Tobie, saint Ambroise formule ainsi sa pensée : «Quel est cet usurier de péché? n'est-ce pas le démon, à la parole duquel Eve se souilla de péché et transmit avec usure au genre humain a tout entier les tristes suites d'une succession malheureuse9? » Plus loin, nous lisons également : «Le démon séduisit Eve jusqu'à lui faire supplanter son mari et engager l'héritage10 ». Commentant le psaume quatre-vingt-huitième, saint Ambroise nous dit : Autre est notre iniquité, autre l'iniquité de notre talon, où Adam fut blessé par la dent du serpent, et cette blessure nous la recevons par droit de succession, et c'est elle qui nous fait boiter dès l'origine11 ».
