55.
Quant au bon et au mauvais arbre, je crois vous avoir prouvé, dans le premier livre de cet ouvrage, à quel degré d'erreur vous êtes tombé sur ce point1. Vous essayez pourtant de reprendre des noeuds depuis longtemps rompus, mais ne nous arrêtons pas à des superfluités. Vous demandez en vertu « de quel péché les enfants se trouvent souillés » ; puis vous vous livrez à une longue énumération des biens que ces enfants apportent en naissant, sauf à garder le plus profond silence sur le mal contre lequel vous combattez. Mais votre silence est une révéla. lion, éclatante. Vous dites : «Les parents dont l'union est la cause du péché sont en droit condamnables; n'est-ce pas le moyen fourni au démon d'exercer son cruel empire sur les hommes?» Ce langage, vous pourriez l’adresser à Dieu lui-même, non pas en ce sens qu'il crée les hommes soumis à la transmission du péché originel, car vous niez obstinément a dogme; mais en ce sens qu'il donne le vêtement et la nourriture à une multitude d'impies, même à ceux qu'il sait devoir persévérer dans leur impiété; qu'il agisse autrement, et le démon n'aura plus autant d'esclaves. Vous me répondrez peut-être, qu'en agissant ainsi Dieu ne se propose que le bien dont il est l'auteur, puisqu'il est le Créateur des hommes. Je dis également que les parents, dans la génération des enfants, ne se proposent que le bien, c'est-à-dire la naissance de ces enfants, dont surtout ils ne connaissent pas la destinée. Vous admettez vous-même que le péché n'aurait jamais été commis, si antérieurement il n'y avait eu aucune volonté mauvaise ; par conséquent le péché originel, que nous affirmons et que vous niez, n'aurait jamais existé si la nature n'avait pas été viciée par la volonté mauvaise du premier homme. D'un autre côté, la volonté mauvaise n'est possible qu'autant qu'elle suppose déjà l'existence antérieure d'une nature quelconque, angélique ou humaine. Direz-vous donc que Dieu est la cause des péchés, parce que sa volonté est le principe d'existence de toutes les natures changeantes ? De même donc que l'on ne saurait imputer à Dieu le crime que commettent les natures raisonnables en se séparant du bien, puisqu'il n'est l'auteur que du bien qu'elles possèdent; de même les parents qui engendrent et qui font un bon usage de la concupiscence ne sauraient s'imputer à eux-mêmes le mal avec lequel leurs enfants naissent; ils n'ont formé que leur nature, et leur nature est bonne. N'êtes-vous donc pas dans l'erreur, quand vous prétendez que les « enfants », comme hommes, «tireraient leur a origine du démon, puisque c'est le démon qui est le principe du péché, dont aucun homme n'est exempt à sa naissance? » La mort tire également son origine du démon ; s'ensuit-il que tous les mortels lui doivent leur origine?
Chap. VIII, n. 38-41. ↩
