72.
Je vous en prie, permettez-nous de penser que la philosophie païenne n'est pas plus honnête que la philosophie chrétienne, qui est la seule véritable philosophie, s'il est vrai que ce mot signifie le zèle ou l'amour de la sagesse. Voyez quel est le langage de Cicéron dans son dialogue d'Hortensius; ce langage, je crois, aurait dû vous être plus agréable que celui de Balbus plaidant la cause des Stoïciens : c'était la vérité, j'en conviens; 'mais la vérité sur ce qui se passe dans la partie inférieure de l'homme, c'est-à-dire dans son corps, et une semblable doctrine ne pouvait vous être d'aucun secours. Ecoutez comme il oppose la vivacité de l'esprit à la volupté du corps. « Pouvons-nous », dit-il, « désirer les voluptés du corps, quand Platon, dans un langage aussi vrai que sérieux, les regarde comme des séductions et comme la nourriture des méchants? Ce que produit la volupté, n'est-ce pas trop souvent la ruine de la santé, l'altération de la couleur et du corps, la décadence et la honte? Plus ses mouvements sont violents, plus ils sont ennemis de la philosophie. Les grandes pensées ne sont-elles pas incompatibles avec la volupté du corps? Se livrer à cette volupté, reine de toutes les autres, n'est-ce pas se placer dans une impuissance radicale de cultiver son esprit, de développer sa raison et de nourrir des pensées sérieuses? «N'est-ce pas là ce gouffre qui tend sans cesse, la nuit et le jour, à produire dans tous nos sens ces violentes commotions dont le secret appartient aux voluptés poussées à l'extrême? Quel homme sage ne préférerait que la nature nous eût refusé toutes les voluptés, quelles qu'elles soient?» Ainsi parlait ce philosophe qui ignorait entièrement ce que la foi nous enseigne de la vie de nos premiers parents, de la félicité du paradis terrestre, de la résurrection des corps. En présence de ces discussions si justes de la part des impies, ne devons-nous pas rougir, nous qui avons appris, dans la véritable et sainte philosophie, que la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair1 ? Quelle en est la cause ? Cicéron l'ignorait, et cependant il ne flattait pas la concupiscence de la chair, tandis que vous la louez; il la condamnait même avec une puissante énergie, tandis que bien loin de l'imiter, vous réservez toute votre haine contre ceux qui la condamnent. Témoin de la lutte engagée sous vos yeux entre la concupiscence de l'esprit et la concupiscence de la chair, vous prenez le parti du lâche combattant, celui de louer les deux adversaires, comme si vous craigniez le courroux de celui des deux qui restera vainqueur. Déposez vos alarmes, armez-vous de courage, et louez hautement cette concupiscence de l'esprit qui combat contre la concupiscence de la chair avec au. tant d'énergie que de chasteté; condamnez, au contraire, au nom de la loi de l'esprit, cette loi des membres qui combat contre la loi de l'esprit.
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Gal. V, 17. ↩