28.
Eveillez-vous donc, et comprenez que ce n'est pas contre une nature, mais contre un vice que nous combattons. Nous ne triomphons pas du bien parle bien, mais du mal par le bien. Voyez avec quoi le mal triomphe, avec quoi il est vaincu. Quand la passion triomphe, le démon triomphe avec elle; quand la passion est vaincue, le démon est vaincu avec elle. Or, ce dont la passion triomphe, et ce par quoi elle est vaincue, est par le fait même l'ennemi de cette passion; quant à ce avec quoi elle triomphe, et avec quoi elle est vaincue, que peut-il être, sinon l'auteur même de cette passion? Je vous en prie, ouvrez les yeux et regardez ce qui est l'évidence même. Le combat ne va jamais sans le mal. En effet, quand il y a guerre, ou c'est le bien qui combat contre le mal, ou c'est le mal qui combat contre le mal, ou si ce sont deux biens qui se combattent, ce combat lui-même devient un grand mal. Supposez que le corps soit le théâtre de cette lutte, c'est-à-dire que les parties contraires dont il est composé, l'humide et le sec, le froid et le chaud, troublent la paix réciproque et la concorde mutuelle, aussitôt apparaissent la maladie et la souffrance. Dira-t-on que quelqu'une de ces parties n'est pas bonne? mais toute créature de Dieu est bonne, et dans le cantique des trois enfants de la fournaise, le froid et le chaud ne bénissent-ils pas le Seigneur1? Ce sont là des propriétés opposées l'une à l'autre, et cependant la santé générale exige de leur part la concorde ; car elle est atteinte et troublée dès que la lutte ou l'opposition s'engage dans notre corps. Cette discordance, comme la mort elle-même, est le résultat de la transmission du péché. En effet, tous conviennent facilement que ces désordres corporels ne se seraient pas produits dans le paradis de délices, si personne n'avait péché. Mais autres sont les qualités des choses corporelles, qui par leur contrariété même, se tempèrent les unes par les autres, et assurent ainsi notre santé ; toutes sont bonnes dans leur genre, et cependant, dès qu'elles sortent de leurs propres fonctions, elles nuisent à la santé ; et autres sont les désirs de l'âme, autrement appelés les désirs de la chair, parce que c'est selon la chair que l'âme convoite, toutes les fois qu'elle convoite de telle sorte qu'elle se met en opposition avec l'esprit, c'est-à-dire avec la partie supérieure dans l'homme. Ces vices n'ont rien à démêler avec les médecins des corps, et n'ont de guérison à attendre que de la grâce de Jésus-Christ. C'est la grâce, en effet, qui nous purifie de la souillure de ces vices, nous donne la force de les vaincre, et enfin nous délivre entièrement de leur pré. sente, quand notre guérison est parfaite. Si donc c'est un mal de convoiter le mal, et un bien de convoiter le bien ; si cette lutte doit durer autant que notre vie sur la terre, parce qu'ici-bas la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair; qui me délivrera de ce corps de mort, si ce n'est pas la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur? Voilà pourquoi nous repoussons avec horreur une doctrine qui se pose en ennemie déclarée de la grâce.
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Dan. III, 67. ↩