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J'ai souvent montré combien l'hérésie qui vous est commune est favorable aux Manichéens; je crois devoir en faire encore ici la remarque. Les Manichéens énumèrent les maux qu'ils observent dans les enfants; Cicéron avait fait de même dans ses livres sur la république, et c'est sur ce texte que j'ai transcrit ses paroles1. Il termine son énumération par ces mots : « La nature , en jetant l'homme au sein de toutes ces misères, s'est montrée, non pas une mère, mais une marâtre ». A ces maux viennent s'en ajouter beaucoup d'autres encore, qui ne tombent pas indistinctement sur tous les enfants, mais qui en atteignent un grand nombre, voire même la possession du démon. Maintenant voici la conclusion que tirent les Manichéens: Sous un Dieu juste et tout-puissant, si les enfants qui sont son image sont victimes de tant de maux, quelle en peut être la cause si ce n'est le mélange de ces natures contraires, la nature du bien et la nature du mal? La vérité catholique les réfute, en affirmant l'existence du péché originel par lequel le genre humain est devenu le jouet des démons, comme les misères de toute sorte sont devenues la destinée des mortels. Or, rien de semblable ne serait advenu si, par son libre arbitre, la nature humaine avait persévéré dans l'état qui lui avait été fait à sa création. Vous, au contraire, qui niez le péché originel, ne vous sentez-vous pas réduits à dire de Dieu qu'il est impuissant ou injuste, puisque des enfants créés à son image et sans avoir démérité soit par des péchés personnels, soit par le péché originel, se sentent les tristes victimes de ces maux de tout genre, sans même qu'ils puissent y voir une épreuve, comme on pourrait le dire des justes adultes qui possèdent l'usage de la raison? Ou bien, comme vous ne pouvez dire de Dieu ni qu'il soit impuissant, ni qu'il soit injuste, le seul parti qui vous reste à prendre, c'est de vous ranger du côté des Manichéens, si vous ne voulez pas qu'ils prouvent contre vous leur criminelle erreur des deux substances ennemies se mélangeant dans l'homme. Il n'est donc pas vrai, quoi que vous en disiez, « qu'aucune herbe du foulon ne puisse me purifier de l'infection des Manichéens». Ces pétulantes paroles font injure au baptême que j'ai reçu dans le sein de l'Eglise catholique ma mère. N'est-ce pas, au contraire, parce que le venin pernicieux de l'antique dragon s'est glissé dans vos esprits, que vous essayez de flétrir les catholiques en leur jetant au visage l'horrible nom de Manichéens, tandis que la perversité de votre dogme est pour ces Manichéens eux-mêmes le plus puissant secours?
Plus haut, liv. IV, ch. XII. ↩
