14.
Dans son livre sur le sacrement de la régénération, ou sur la philosophie, saint Ambroise nous dit encore: «Bienheureuse est donc la mort qui nous arrache au péché pour nous réformer en Dieu. Car celui qui est a mort, est justifié du péché1. Est-ce», dit-il, «par le fait seul de la destruction de sa nature, qu'un homme est justifié du péché? Non certes, car celui qui meurt pécheur, reste dans le péché; tandis que celui-là est justifié de son péché, à qui tous les péchés ont été remis par le baptême». Qu'avez-vous à répondre à ces paroles ? Ne voyez-vous pas que, aux yeux de ce saint docteur, la mort véritablement heureuse pour l'homme lui est procurée par le baptême, dans lequel il reçoit la rémission de tous ses péchés ? Mais, quoiqu'elle doive vous être désagréable, laissez-moi vous citer une autre parole du même docteur. «Nous venons de voir », dit-il, «à qui peut s'appliquer la mort mystique ; voyons maintenant à qui s'applique la sépulture. En effet, ce n'est point assez que les vices soient frappés de mort, il faut encore que le corps se dessèche, que tous les liens charnels se dissolvent, et que tous les noeuds se distendent. Que personne ne se flatte a d'avoir acquis toute la perfection possible, parce qu'il a revêtu une autre forme, parce qu'il a reçu des préceptes mystiques, parce qu'il s'est appliqué aux règles de la continence. Nous n'accomplissons pas ce que nous voulons,et nous faisons ce que nous haïssons. Le péché accomplit en nous des oeuvres nombreuses. Malgré notre résistance, les voluptés ne cessent de revivre ou de se réveiller. Nous avons sans cesse à lutter contre la chair. Saint Paul lui-même connaissait ce a combat, puisqu'il nous dit : Je vois dans mes membres une autre loi qui répugne à la loi de mon esprit, et me captive sous la loi du péché Etes-vous donc plus fort que Paul? Quelque domptée que paraisse votre chair, ne vous confiez point à elle ; et bien plutôt écoutez ce cri de l'Apôtre : Je sais que le bien ire se trouve pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair, car je trouve en moi la volonté de faire le bien, mais je ne trouve pas le moyen de l'accomplir. En effet, je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas. Or, si je fais ce que je ne a veux pas, ce n'est plus moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi2 ». — Quelle que soit, Julien, l'obstination de votre esprit, quel que soit le coupable aveuglement avec lequel vous soutenez contre nous l'hérésie pélagienne, saint Ambroise vous étreint tellement par l'évidence des choses et vous écrase tellement par l’éclat de ses paroles que, si rien n'est capable de vous faire abandonner l'erreur où vous vous opiniâtrez, ni la raison, ni le coeur, ni la religion, ni la piété, ni l'humanité, ni la vérité; du moins vous montrez dans votre personne que l'on peut arriver à un tel degré du mal, qu'il n'est plus possible de rester là où l'on est, et que l'on a honte d'en sortir. Et tel est, je crois, le sentiment qui vous affecte quand vous lisez des pages aussi éloquentes que celles que je viens de vous citer. Plaise à Dieu que la paix de Jésus-Christ règne dans votre coeur, et qu'une pénitence sincère triomphe de la honte criminelle qui vous retient !