15.
Les Pélagiens veulent établir une distinction entre la grâce de la rémission des péchés et la grâce de la vie éternelle; quant à la première, elle nous serait accordée sans aucun mérite antérieur de notre part ; mais quant à la seconde, elle ne serait qu'une récompense rigoureusement gagnée par nos mérites précédents. Voyons ce que peut valoir cette distinction. Si dans nos propres mérites ils savaient reconnaître les dons mêmes de Dieu, leur doctrine pourrait être acceptée. Mais il n'en est point ainsi, car, à leurs yeux, nos mérites sont exclusivement notre œuvre propre en dehors de tout concours surnaturel de la grâce. Aussi je ne puis mieux leur répondre qu'en leur rappelant ces paroles de l'Apôtre: « Quel est donc celui qui met de la différence entre vous ? Qu'avez-vous donc que vous n'ayez reçu ? Et si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glorifiez vous comme si vous ne l'aviez point reçu.1 ? » A tous ces hérétiques on peut donc dire en toute vérité: Dieu couronne ses dons et non vos mérites; et si vos mérites sont votre œuvre propre, Dieu n'y a donc absolument aucune part. Dans ce cas, vos prétendus mérites ne sont que des titres au châtiment, car ce sont des mérites mauvais que Dieu ne saurait couronner; et si vos mérites sont bons, ils sont réellement des dons de Dieu, selon cette parole de saint Jacques : « Tout bienfait excellent et tout don parfait nous vient d'en haut, et descend du Père des lumières2 ». Saint Jean le précurseur avait dit également: « L'homme ne peut recevoir que ce qui lui est donné du ciel3 ». C'est aussi du ciel que nous est venu le Saint-Esprit, après que Jésus y fut monté, qu'il y eut entraîné notre captivité captive, et qu'il eut versé sur, les hommes ses dons les plus abondants4. Si donc vos mérites sont des dons de Dieu, Dieu en les couronnant couronne ses dons, et non pas vos mérites personnels.