34.
Nous avons de l'apôtre saint Paul le plus bel éloge de cette charité, c'est-à-dire de la volonté enflammée de toutes les ardeurs de l'amour divin. « Qui donc », dit-il, « nous séparera de l'amour de Jésus-Christ ? Sera-ce l'affliction, ou les déplaisirs, ou la faim, ou la nudité, ou les périls, ou la persécution, ou le fer? Selon qu' il est écrit: On nous fait mourir tout le jour pour l'amour de vous, Seigneur; on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie. Mais parmi tous ces maux, nous demeurons victorieux par celui qui nous a aimés. Car je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni la violence, ni tout ce qu'il y a de plus haut ou de plus profond, ni aucune autre créature, ne pourra jamais nous séparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur1 ». Dans un autre passage nous lisons également: « Je vais vous montrer une voie plus excellente.. Quand je parlerais toutes les langues des hommes et des anges mêmes, si je n'avais point la charité, je ne serais que comme un airain sonnant et une cymbale retentissante. Et quand j'aurais le don de prophétie, que je pénétrerais tous les mystères, et que j'aurais une parfaite science de toutes choses , et quand j'aurais toute la foi possible et capable de transporter les montagnes, si je n'avais point la charité, je ne serais rien. Et quand j'aurais distribué tout mon bien pour nourrir les pauvres, et que j'aurais livré mon corps pour être brûlé, si je n'avais point la charité, tout cela ne me servirait de rien. La charité est patiente ; elle est douce et bienfaisante ; la charité n'est point envieuse ; elle n'est point téméraire et précipitée ; elle ne s'enfle point d'orgueil. Elle n'est point ambitieuse; elle ne cherche point ses propres intérêts; elle ne se pique point et ne s'aigrit point; elle n'a point de mauvais soupçons. Elle ne se réjouit point de l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité; elle supporte tout, elle croit tout, elle espère tout, elle souffre tout. La charité ne finira jamais, tandis que les prophéties seront anéanties, que les langues cesseront et que la science disparaîtra. Car ce que nous avons maintenant de science et de prophétie est très-imparfait. Mais lorsque la perfection sera venue, tout ce qui est imparfait cessera. Quand j'étais enfant, je parlais en enfant, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant; mais lorsque je suis devenu homme, je me suis dépouillé de tout ce qui tenait de l'enfant. Nous ne voyons maintenant que comme en un miroir et en énigme ; mais alors nous verrons face à face ; je ne connais maintenant qu'imparfaitement , mais alors je connaîtrai comme je suis moi-même connu. Ces trois vertus, la foi, l'espérance et la charité, demeurent à présent ; mais la charité est la plus excellente des trois. Recherchez avec ardeur la charité2 ».
Le même Apôtre écrivait aux Galates : « Vous êtes appelés, mes frères, à un état de liberté ; prenez garde seulement que cette liberté ne vous serve d'occasion pour vivre selon la chair ; mais rendez-vous des services réciproques par la charité de l'esprit. Car toute la loi est renfermée dans ce seul précepte : Vous aimerez votre prochain comme vous-même3 ». C'est aussi ce qu'il disait aux Romains : « Celui qui aime son prochain a accompli la loi4 » ; et aux Colossiens : « Sur toutes choses observez la charité qui est le lien de la perfection5 » ; à Timothée : « La fin du précepte, c'est la charité » ; et voulant nous faire connaître cette charité il ajoute : « La charité d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère6». Eu écrivant aux Corinthiens: « Que tout se fasse avec charité7 », il montre clairement que même lus reproches et les corrections qui sont toujours trouvées dures et amères par ceux qui les méritent, doivent se faire avec charité. Voilà pourquoi, après avoir dit ailleurs : « Reprenez ceux qui sont déréglés , comme ceux qui ont l'esprit abattu, supportez les faibles, soyez patients envers tous », il s'empresse d'ajouter : « Prenez garde que nul ne rende à un autre le mal pour le mal8 ». Donc, quand on reprend ceux qui sont déréglés, on ne rend pas le mal pour le mal, mais plutôt le bien pour le mal. Or, tous ces peureux effets, par quoi sont-ils produits, si ce n'est par la charité ?