31.
La grâce qui l'aurait empêché de vouloir pécher, le premier homme ne l'avait pas reçue ; mais s'il avait voulu persévérer dans celle qui lui avait été accordée, il n'aurait jamais péché ; sans cette grâce, il ne pouvait être bon, quelque eût été le concours de son libre arbitre, mais cette grâce elle-même, il pouvait la perdre par son libre arbitre. Dieu ne voulut pas le priver de cette grâce, et la déposa dans son libre arbitre. Car par lui-même le libre arbitre a plein pouvoir de pécher ; mais il est incapable de faire le bien, s'il n'est aidé par le secours de la grâce. Si donc le premier homme n'eût pas repoussé ce secours par son libre arbitre, il fût resté bon ; mais ayant repoussé ce secours, il en fut aussitôt dépouillé. Ce secours était tel, que l'homme pouvait le rejeter, s'il le voulait, et le conserver, s'il le voulait; mais il n'était pas libre de l'avoir comme et quand il le voudrait.
Telle est cette première grâce donnée au premier Adam, mais combien n'est-elle pas plus puissante dans le second Adam ? Par cette grâce donnée à Adam,l'homme pouvait avoir la justice, s'il le voulait; la seconde grâce est plus puissante, car elle fait elle-même que nous voulions; elle fait que nous voulions avec tant d'énergie, et que nous aimions avec tant d'ardeur que l'esprit devient sûre ment vainqueur de la chair, qui convoite contre nous par une volonté contraire. Quoi qu'il en soit, elle n'était point sans importance, cette première grâce par laquelle nous fut dévoilée la puissance du libre arbitre; car elle lui aidait tellement, que sans ce se. cours le libre arbitre ne pouvait persévérer dans le bien, tout en restant parfaitement libre de repousser ce secours, s'il le voulait, Quant à la seconde grâce, elle est d'autant plus grande que ce serait peu pour l'homme de recouvrer par elle sa liberté perdue ; que ce serait peu de ne pouvoir sans elle, ou embrasser le bien, ou y persévérer, s'il le veut; il faut encore que cette volonté même, il la trouve dans cette grâce.