37.
Jul. Certes, j'ai montré que nous ne défendons pas autre chose que les principes dont la raison atteste la parfaite équité; j'ai montré que Dieu lui-même affirme dans sa loi la vérité de notre doctrine ; enfin que la manière dont ce précepte a été observé et les éloges accordés à ceux qui l'ont observé, justifient complètement l'interprétation qui en a été donnée par nous. Nous avons répété sous toutes les formes que la justice véritable est celle qui nous a été révélée comme agréable à Dieu, par la teneur même des préceptes de la loi divine. Et ainsi il a été établi d'une manière incontestable que les partisans de la transmission du péché par le sang ne sauraient trouver ni dans la raison, ni dans les maximes de la loi, aucun appui en faveur de leur doctrine manichéenne.
Aug. Les Manichéens enseignent que la nature n'a point commencé d'exister , et qu'elle a toujours été mauvaise ; et ils affirment que telle est l'origine de tous les maux qui existent dans l'univers. Les catholiques, au contraire , parmi lesquels vous n'avez point voulu être comptés, enseignent que la nature a été créée bonne, qu'elle a été ensuite flétrie par le péché, et que, depuis les petits enfants jusqu'aux vieillards, elle a besoin du remède apporté par Jésus-Christ ; car, Jésus-Christ est mort pour tous ; donc tous sont morts[^1]. Aussi , les Manichéens croient que l'on doit considérer le mal comme tellement séparé du bien que le premier existe complètement en dehors du second ; nous, au contraire, quoique nous. séparions par un acte de notre intelligence le bien du mal, et que nous ne considérions pas ce que l'on appelle mal comme une substance particulière, nous ne croyons pas pour cela que l'on doive considérer le mal comme complètement séparé et comme existant tout à fait en dehors de ceux qui sont délivrés ; mais nous savons que le mal doit être guéri en eux, pour qu'il cesse d'y exister. Suivant les Manichéens, le mal est une substance mauvaise ; suivant nous, le mal est la corruption d'une substance bonne, et non pas une substance particulière. Vois combien ces doctrines diffèrent l'une de l'autre ; et cesse de refuser aux petits enfants le remède apporté par Jésus-Christ pour leur guérison, de peur qu'ils n'éprouvent les effets de la colère du Dieu qui a dit : « Je vengerai sur les enfants les péchés de leurs pères ». Considère celui qui a prononcé ces paroles: c'est Dieu et non point Manès. Considère celui qui a dit: « La mort est venue par un homme, et par un homme aussi doit venir la résurrection des morts ; car, de même que tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Jésus-Christ[^2] » : c'est un Apôtre de Jésus-Christ, et non point un disciple de Manès, qui a écrit ces paroles. Considère ce lui qui a dit : « Nous naissons tous en état de a péché, nous hommes[^3]..... n : c'est un évêque catholique, et non point Manès, ni Pélage, ni un hérétique pélagien. Ainsi donc, l'homme a reçu le droit de punir, lui aussi, les péchés personnels, mais Dieu s'est réservé à lui seul le droit de punir le péché d'origine: et voilà précisément pourquoi Dieu, quoiqu'il déclare que les péchés des pères seront vengés par lui sur les fils, défend à l'homme de condamner ceux-ci à cause des péchés de ceux-là. Sache distinguer les jugements de Dieu, des jugements des hommes, et tu comprendras qu'il n'y a aucune contradiction entre ces deux sortes de jugements.
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II Cor. V, 14.
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I Cor. XV, 21, 2.
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Ambroise. De la Pénit, liv. I, ch. II ou III.