44.
Jul. Puisque l'âme du père est à moi, dit-il, et que l'âme du fils est à moi (preuve manifeste, parmi beaucoup d'autres, que le sang n'a aucune part dans la formation de l'âme dont Dieu s'attribue ainsi à lui-même la propriété); il serait tout à fait injuste et absurde d'imputer à ma propriété, à mon image , des oeuvres accomplies par d'autres.
Aug. Suivant toi donc, la chair n'appartient pas à Dieu, puisque tu crois que Dieu s'attribue uniquement la propriété de l'âme : as-tu oublié ces paroles de l'Ecriture : « Comme la femme a été tirée de l'homme, ainsi l'homme naît de la femme; mais tout vient de Dieu[^4]? » Assurément. ces paroles ont été écrites ou bien dans un sens relatif au corps, ou bien dans un sens relatif à l'âme et au corps; mais elles n'ont pas été écrites dans un sens relatif à l'âme seulement. Il te plaît de prêter à Dieu ce langage : « Il serait tout à fait injuste et absurde d'attribuer à ma propriété, à mon image, la responsabilité d'oeuvres accomplies par d'autres » ; mais pourquoi ne cherches-tu pas plutôt à découvrir comment il peut être juste que l'âme soit accablée sous le poids d'une chair à elle transmise par ses parents, et sous le poids des oeuvres de Dieu même ? Car le corps assujetti à la corruption est un poids qui accable l'âme[^1]. Et je pense que toi-même tu considères ce corps assujetti à la corruption comme étant, lui aussi, l'oeuvre de Dieu. Comment donc, s'il n'existe aucun péché d'origine, l'image de Dieu a-t-elle pu mériter d'être appesantie par un corps assujetti à la corruption et qui est un obstacle perpétuel aux efforts qu'elle fait pour parvenir à la connaissance de la vérité ? Pourquoi d'ailleurs cet autre langage n'est-il pas aussi attribué à Dieu par toi : Il est tout à fait injuste et absurde de prétendre que, par suite de l'infidélité ou de la négligence de ses parents ou des autres personnes qui l'entourent, ou même par suite de n'importe quel accident fatal et inévitable, ma propriété, mon image soit séparée de son corps avant d'avoir reçu le baptême; qu'elle ne soit point admise dans mon royaume et qu'elle ne vive point de la vie véritable parce qu'elle n'a point mangé la chair sacrée et qu'elle n'a point bu le sang dont parle l'Écriture[^2]? Contesteras-tu la vérité de cette maxime sortie de la bouche de Jésus-Christ et t'écrieras-tu : Oui, certes, quand même elle n'aurait point mangé la chair ni bu le sang de Jésus-Christ, cette image vivra de la vie véritable? O langage qui ne saurait appartenir qu'à un antéchrist ! Va, parle de cette manière, enseigne cette doctrine : fais-toi entendre de ces hommes et de ces femmes qui ne sont chrétiens due de nom, de ces hommes dont l'esprit est perverti et dont la foi est réprouvée ; qu'ils t'écoutent, qu'ils t'aiment, qu'ils t'honorent, qu'ils te nourrissent, qu'ils fournissent à la dépense nécessaire pour te vêtir et pour entretenir le luxe de ta maison, et qu'en suivant un homme perdu, ils se perdent eux-mêmes. Mais le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent[^3] : et l'on ne doit pas même désespérer de vous, aussi longtemps que sa patience vous attendra.
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I Cor. XI, 13.
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Sag. IX, 15.
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Jean, VI, 54.
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II Tim. II, 19.