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Jul. Suivant lui donc, il n'y a rien dans les oeuvres de Dieu dont on doive rougir ; mais il n'y a rien de plus abominable que les sentences prononcées par ce même Dieu. Il est certain, en effet, que toute faute mérite un châtiment : s'ensuit-il cependant, que la confusion dont le coupable a mérité d'être couvert, devient elle-même l'instrument de la vengeance divine, de telle sorte qu'il soit permis de parler en termes explicites de la faute commise par l'homme, et que l'on ne puisse rappeler le nom seul du châtiment infligé par la justice de Dieu, sans encourir la note d'infamie?
Aug. Pourquoi cherches-tu à obscurcir des choses qui ont été parfaitement éclaircies, à proposer de nouveau des difficultés déjà résolues, sinon parce que, malgré l'inanité réelle de tes raisonnements, tu veux paraître discuter d'une manière sérieuse aux yeux des personnes ignorantes , c'est-à-dire aux yeux du plus grand nombre des hommes? Car, je puis bien, sans témérité, dire que tu cèdes à un sentiment d'impudence plus encore qu'au désir de répandre des flots de paroles également vaines et pompeuses, quand tu essaies de persuader que l'on ne doit pas rougir, ou du moins que l'on ne doit pas rougir beaucoup des désirs qui s'élèvent dans la chair contre les désirs de l'esprit, malgré la sujétion où celle-là devrait être à l'égard de celui-ci ; quand tu essaies de persuader que Dieu ne saurait, sans injustice, abandonner le coupable, afin que celui-ci trouve en lui-même son propre châtiment après s'être éloigné du Dieu en qui il trouvait sa véritable félicité ; ou enfin, que l'homme doit rougir de son péché, mais non point du châtiment qu'il subit par suite de ce péché; tandis que, en réalité, la plupart des hommes ne rougissent pas de leurs péchés avant qu'un châtiment sensible leur ait été infligé, ce châtiment faisant naître dans leur âme un sentiment de honte que l'impunité n'aurait pu y produire. Mais qui donc peut se faire un plaisir de nier en termes élégants les choses les plus manifestes, sinon ceux en qui le respect de la vérité est un sentiment éteint depuis longtemps? Nous parlons librement de ces deux choses, savoir, de ce que l'homme a fait volontairement, et de ce qu'il a souffert malgré lui; nous nommons librement et la désobéissance de l'esprit, et la concupiscence qui fait naître dans la chair des désirs opposés à ceux de l'esprit : toi, au contraire, tu aurais eu honte de nommer l'une de ces deux choses, parce que tu aurais craint de nous suggérer par là un argument qui aurait rendu ton erreur manifeste comme la lumière. Et maintenant que tu prononces les mots de concupiscence et de passion charnelles, parce que tu ne veux pas être accusé de rougir du nom de ta cliente, ors ne saurait plus douter que tu crains par. dessus tout la censure des jugements humains, et que la crainte d'être victime de l'erreur n'exerce aucun empire sur toi.