22.
Et remettez-nous nos dettes comme nous les remettons à ceux qui nous doivent. O ineffable bonté de Dieu, qui, non-seulement nous enseigne à prier, à nous rendre agréables à ses yeux, en nous corrigeant de nos défauts et en détruisant les racines de la tristesse et de la colère par l'obligation qu'elle nous impose de toujours prier, mais qui nous donne encore le moyen d'être exaucés, et qui nous ouvre les entrailles de sa miséricorde contre la justice de ses jugements , en nous accordant le pouvoir de tempérer sa sentence et de le forcer à nous pardonner, en pardonnant nous-mêmes aux autres; lorsque nous disons : Remettez-nous nos dettes comme nous les remettons !
Nous pouvons donc nous confier dans cette prière , et demander le pardon de nos fautes, pourvu qu'en pardonnant les offenses qu'on nous fait, nous ne soyons pas si faciles à l'égard de celles qu'on fait à Dieu. Car souvent nous sommes calmes et insensibles pour les outrages qui s'adressent à Dieu, et qui sont de grands crimes, tandis que nous sommes sévères et inexorables pour la moindre injure qui nous regarde. Celui qui ne pardonne pas à son frère de tout son cœur, n'obtiendra, par sa prière , qu'une condamnation au lieu d'un pardon ; puisqu'il réclame lui-même une plus grande sévérité de son juge: Pardonnez-moi comme je pardonne. Si Dieu écoute sa demande , il se montrera aussi inexorable envers lui qu'il l'a été envers son frère. Si donc nous voulons être traités avec clémence, soyons cléments à l'égard de ceux qui nous ont offensés. Il nous sera pardonné comme nous aurons pardonné.
Quelques-uns, par crainte de se condamner eux mêmes, évitent de réciter à l'église, avec tout le peuple, ce passage du Pater; ils ne comprennent pas qu'on ne peut apaiser , par de semblables subtilités , le Juge souverain qui a mis dans nos prières mêmes la règle de ses jugements. Il nous a donné le moyen de ne pas le trouver sévère et inexorable envers nous; c'est de juger nos frères comme nous désirons être jugés nous-mêmes : « Car celui qui ne fait pas miséricorde sera jugé sans miséricorde. » (S. Jacq., II, 13.)