9.
Il y a une grande différence entre celui qui éteint les ardeurs du vice, par la crainte de l'enfer ou par l'espérance du ciel, et celui qui a horreur du mal et de ses souillures, par le mouvement de la divine charité. Celui qui possède le trésor de la pureté par le seul amour et désir de la chasteté, ne pense pas aux récompenses futures; mais il jouit dans sa conscience du bien présent, et il fait tout, non parce qu'il redoute le châtiment, mais parce qu'il trouve son bonheur dans la vertu. Celui qui est dans cet état, lors même qu'il est loin du regard des hommes, évite l'occasion du péché et ne s'arrête pas aux tentations les plus secrètes, parce que son amour sincère pour la vertu lui fait bannir de son coeur tout ce qui lui est contraire, et lui en inspire une profonde horreur. Car autre chose est de détester les vices et la concupiscence, par l'amour présent de la vertu, ou de les fuir par l'espérance des récompenses futures. Autre chose est de craindre de perdre ce qu'on possède, ou de re-douter des maux éloignés. Enfin il est bien mieux d'être vertueux par amour de la vertu, que d'éviter le mal par la crainte du châtiment; car, dans le premier cas, le bien est volontaire, tandis que dans le second, il est, pour ainsi dire, obtenu de force, par la peur des supplices ou par le désir des récompenses.
Celui qui fuit les plaisirs coupables par crainte, oubliera sa crainte et retournera bientôt au vice qu'il aimait. Il n'aura aucune stabilité dans le bien, et ne sera jamais à l'abri des tentations, parce qu'il ne possédera pas cette paix profonde et assurée que donne la pureté. Lorsque l'ennemi menace toujours, il y a toujours danger d'être blessé. Le soldat, sur le champ de bataille, quoiqu'il soit courageux et qu'il porte aux autres des coups terribles, est nécessairement exposé à être frappé lui-même par l'ennemi, tandis que celui qui a surmonté les vices jouit d'une paix profonde, et n'a pas d'autre penchant que l'amour de la vertu. Il reste facilement dans le bien auquel il s'est donné tout entier, parce qu'il est persuadé qu'il n'y a pas de plus grand malheur pour lui que de perdre la pureté de son âme. C'est là son trésor le plus cher et le plus précieux, comme le mal le plus grand, est la ruine de la vertu et la contagion du vice. La présence et la considération des hommes n'augmenteront pas sa retenue, et la solitude ne la diminuera pas; mais partout et toujours sa conscience réglera ses actes et ses pensées, et toute son étude sera de plaire à ce Juge qu'on ne peut ni fuir ni tromper.