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L'ABBÉ TRÉONAS. Le désir que vous avez de vous instruire à fond de tout ce qui peut vous conduire à la perfection, m'engage à traiter avec étendue la question que vous me proposez; car je vois que vous vous inquiétez moins de cette chasteté, de cette circoncision extérieure, que de celle qui est dans le secret de l'âme. Vous savez bien que la perfection ne consiste pas dans cette continence matérielle que les infidèles mêmes peuvent garder par nécessité ou par hypocrisie, mais dans cette pureté volontaire et invisible du coeur que l'Apôtre explique ainsi : « Le véritable Juif n'est pas celui qui l'est à l'extérieur, et qui porte la circoncision dans sa chair, mais celui qui l'est intérieurement, qui est circoncis dans son coeur par l'esprit et non par la lettre; la louange lui vient non pas des hommes, mais de Dieu, qui connaît le secret des coeurs. » (Rom., II, 28.)
Cependant, comme je ne puis satisfaire pleinement votre désir, parce que ce qui reste de la nuit ne suffit pas pour bien traiter une question si obscure, je pense qu'il vaut mieux différer. Ces sujets demandent dans ceux qui parlent et dans ceux qui écoutent, un coeur dégagé de toute vaine pensée. On ne doit les proposer que pour se purifier davantage, et on ne les explique bien qu'en recevant soi-même la grâce de la pureté. Il ne faut pas ici des paroles subtiles, mais le témoignage intérieur de la conscience, et la puissance de la vérité. La science, la doctrine de cette vertu, ne peut être acquise que par l'expérience, et personne ne peut la recevoir, s'il ne la cherche avec ardeur, non pas dans des entretiens stériles, mais par de généreux efforts, en désirant sincèrement la pureté intérieure.