11.
Comment comprendre l'Apôtre lorsqu'il dit que « Notre-Seigneur est venu dans la ressemblance de notre chair de péché » (Rom., VIII, 3), si nous pouvions avoir comme lui une chair exempte de la tache du péché? L'Apôtre déclare bien que c'est un avantage dont il jouit seul, lorsqu'il dit : « Dieu a envoyé son Fils dans la ressemblance de la chair du péché. » Car nous devons croire que Notre-Seigneur, en revêtant véritablement la nature humaine, n'a pas pris avec elle le péché, mais seulement l'apparence du péché. Cette apparence ne peut s'appliquer à la chair elle-même , comme les hérétiques le prétendent , mais seulement à la ressemblance du péché; car il avait mie chair véritable et il ressemblait aux pécheurs, à l'exception du péché. Il en avait la nature sans en avoir les vices et les moeurs. Il avait la ressemblance de la chair du péché, lorsqu'il demandait comme un homme ignorant et inquiet de sa nourriture : « Combien avez-vous de pains? » (S. Marc, VI, 38.) Mais sa chair n'était pas plus sujette au péché que son âme à l'ignorance, et l'Évangéliste ajoute aussitôt : « Jésus disait cela pour le tenter ; car il savait bien ce qu'il devait faire. » (S. Jean , VI, 6.) Il avait une chair semblable à celle des pécheurs lorsqu'il demandait à boire à la Samaritaine , comme s'il avait soif; mais cette chair était exempte de tout péché lorsqu'il engageait cette femme à lui demander « cette eau vive qui l'empêcherait d'avoir soif et qui serait en elle une source d'eau jaillissante pour la vie éternelle. » (S. Jean, IV, 1.4.)
Il avait une chair véritable lorsqu'il dormait sur la barque; mais, pour que ces disciples ne fussent pas trompés par l'apparence du péché, « il se leva, commanda aux vents et à la mer, et il se fit un grand calme.» (S. Matth. , VIII, 26.) Il paraissait soumis, comme tous les autres, au péché lorsqu'on disait de lui : « Si cet homme était un prophète, il saurait quelle est cette femme qui le touche et que c'est une pécheresse; » mais comme il n'avait pas la réalité du péché, il repoussa les pensées de blasphème du pharisien et remit les péchés de la Madeleine. (S. Luc, VII, 39.) Il paraissait bien avoir la chair des pécheurs, lorsque placé comme les hommes en présence de la mort, et frappé des supplices affreux qui l'attendaient, il priait en disant : « Mon Père, si cela est possible, que ce calice s'éloigne de moi; mon âme est triste jusqu'à la mort. » (S. Matth., XXVI, 39.) Mais cette tristesse était exempte de péché, et l'Auteur de la vie ne pouvait redouter la mort; car il disait : « Personne ne m'ôte mon âme, mais c'est moi qui la donne de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner, et j'ai aussi le pouvoir de la reprendre. » (S. Jean, X, 17.)