4.
Celui qui persévérera ainsi dans la retraite, accomplit parfaitement ce que le prophète Habacuc exprime si bien, lorsqu'il dit : « Je demeurerai ferme sur mes gardes; je monterai sur la pierre, et je serai attentif, afin de voir ce qui se dit de moi, et ce que je répondrai à celui qui me reprend. » (Habac., II, 1.) C'est chose difficile à en juger par l'expérience des solitaires qui habitent le désert de Calame ou de Porphyrion; car, quoiqu'ils soient plus éloignés des villes et des habitations des hommes que ceux du désert de Schethé, et qu'il faille sept à huit jours de marche dans la solitude pour arriver à leurs cellules, cependant, comme ils s'appliquent à l'agriculture, ils éprouvent , lorsqu'ils viennent dans nos contrées désolées, un tel trouble, un tel ennui, qu'on les prendrait pour des novices qui n'ont jamais pratiqué les exercices de la vie solitaire. Ils ne peuvent rester dans leurs cellules et garder le silence, et dès qu'il faut s'y soumettre, ils sont bouleversés comme si c'était pour la première fois. C'est qu'ils ne se sont jamais appliqués à calmer les mouvements de l'homme intérieur et les tempêtes de la pensée par leur vigilance et leurs persévérants efforts. Ils sont habitués à travailler tous les jours dans la campagne; et leur esprit, accoutumé à suivre tous les mouvements de leur corps; ne sait pas se fixer dans la paix et le recueillement. Ils souffrent de sa mobilité, de son inconstance, et ne peuvent en réprimer les écarts. La componction du coeur leur devient impossible, et ils trouvent le joug du silence insupportable. Ceux que les plus rudes fatigues ne pouvaient abattre, sont fatigués de ne rien faire, et vaincus par le repos.