XIV.
Après avoir vu les raisons pour lesquelles Dieu a fait le monde, voyons celles pour lesquelles il a fait l'homme. Comme il a fait le monde pour l'homme, il a fait l'homme pour soi, et l'a créé pour être le gardien et le prêtre de son temple, le témoin de ses ouvrages, l'admirateur de ses merveilles. Il n'y a que lui qui soit éclairé de la raison, et qui puisse, à la faveur de cette lumière, connaître Dieu, et admirer la diversité de ses ouvrages et la grandeur de sa puissance. C’est pour cela qu'il a seul été pourvu d'entendement, de connaissance, de raison et de sagesse. C’est pour cela qu'il a seul le visage tourné vers le ciel, par où il semble être averti de regarder son créateur. C’est pour cela qu'il a seul une langue capable d'exprimer ses pensées, et l'usage de la parole pour publier les louanges de son souverain. Enfin c'est pour cela qu'il a reçu le pouvoir de commander à toutes les créatures, afin qu'il obéît lui-même à son créateur. Puisque Dieu a donné à l'homme l'empire du monde, il est bien juste qu'il reconnaisse la majesté de celui de qui il l'a reçu, et qu'il chérisse les autres hommes, qui partagent avec lui le même honneur. Quiconque fait profession de connaître Dieu et de l'honorer, ne peut, sans crime, en offenser un autre qui fait la même profession. Cela fait voir clairement, si je ne me trompe, que l'homme a été créé pour s'acquitter des devoirs de la religion et de la justice. Cicéron même l'a reconnu dans les livres des Lois, où il parle de cette sorte: « Parmi tout ce que les savants peuvent dire à l'avantage de notre nature, il n'y a rien de si excellent que de reconnaître que nous avons été mis au monde pour y observer la justice. » Que si cette vérité ne peut être révoquée en doute, Dieu veut que tous les hommes gardent la justice, c'est-à-dire qu'ils rendent à Dieu et aux hommes ce qu'ils leur doivent, qu'ils honorent Dieu comme leur père, et qu'ils aiment les hommes comme leurs frères. C'est en ces deux devoirs que consiste toute la justice. Quiconque donc ne connaît point Dieu, on quiconque offense un autre homme, est injuste, agit contre sa propre nature, et viole la loi divine.