XLIV.
La guerre civile était allumée entre Maxence et Constantin. Maxence demeurait à Rome, l'oracle lui ayant prédit sa ruine s'il en sortait. Mais il faisait la guerre par ses lieutenants. Ses forces étaient plus grandes que celles de ses ennemis ; car, outre la vieille armée de Maximien, qu'il avait débauchée du service de Sévère, la sienne était encore venue le joindre. On en vint souvent aux mains, et le parti de Maxence avait presque toujours l'avantage. Mais Constantin, résolu à tout ce qui en pourrait arriver, s'approcha de Rome, et campa au pont de Milvius.[^15] C'était le vingt-septième jour du mois d'octobre, jour auquel Maxence avait pris la pourpre, et où se terminaient les Quinquennales.[^16] Constantin, averti en songe de faire peindre sur les boucliers de ses soldats le signe adorable de la croix, et d'engager ensuite le combat, obéit, et fit peindre sur ses boucliers un X, avec un accent circonflexe qui signifie Jésus-Christ. Ses troupes fortifiées de cette armure céleste se préparèrent à la bataille. L'armée ennemie en l'absence de son empereur passe le pont. On se choque avec une égale vigueur de part et d'autre. Cependant le peuple de Rome s'émeut et reproche à Maxence qu'il trahit la cause publique. Épouvante de ce murmure, il appelle quelques sénateurs, et en consulte le livre des sibylles; on y trouve que ce même jour l'ennemi du peuple romain devait périr. Il interprète l'oracle a son avantage; et, certain de la victoire, il court au combat. Il fait rompre le pont après lui, afin que la nécessité de vaincre donnât plus de courage à son armée; après quoi le combat se réchauffe. Mais Dieu favorisait Constantin : ses ennemis s'effraient. Maxence veut se sauver, le pont rompu est un obstacle à sa fuite. Emporté par la multitude des fuyards, il est précipité dans le Tibre. Après une si importante victoire, Constantin est reçu dans Rome avec l'applaudissement du sénat et du peuple. Là il connut la perfidie de Maximin, se saisit de ses lettres, vit ses images et ses statues. Le sénat accorda à Constantin, la prérogative d'honneur qu'il avait méritée par son courage, et que Maximin s'était insolemment arrogée. La nouvelle de ce grand événement ayant été portée à Maximin, il se tint déjà comme vaincu. Le décret du sénat le mit en furie; il ne fit plus un secret de la haine qu'il portait à Constantin, et toujours il lui échappait quelque raillerie contre ce prince.