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On apprit dans le même temps la mort de l’empereur Valentinien, de laquelle je marquerai les circonstances. Arbogaste, Franc de nation, à qui Gratien avait donné la lieutenance de Baudon, prit après sa mort sa charge de la milice, sans le consentement de l’empereur. L’estime qu’il avait acquise dans l’esprit des gens de guerre par sa valeur, par ses talents, et par le mépris qu’il faisait de la fortune, le mit dans un grand crédit. Il avait pris la liberté de s’opposer aux volontés de l’empereur, et d’empêcher ce qui lui semblait contraire à l’ordre et à la justice. Valentinien à qui cette liberté ne plaisait pas, avait de fréquentes contestations avec lui mais toujours inutilement, parce qu’Arbogaste était assuré de l’affection des gens de guerre. Enfin Valentinien ne pouvant plus souffrir l’assujettissement où il était à son égard, le voyant s’approcher un jour du trône où il était assis, après l’avoir regardé d’un œil de courroux, lui présenta un ordre qui le privait de sa dignité. Celui-ci l’ayant lu, dit: « Vous ne m’avez point donné ma charge et vous ne me la pourrez ôter. » Cela dit, il déchira l’ordre, en jeta les morceaux et sortit. Ils n’entretinrent plus depuis ce temps-là de défiance secrète comme auparavant : mais ils en vinrent à une inimitié déclarée.
Valentinien écrivait souvent à Théodose pour l’informer des entreprises d’Arbogaste, et pour le supplier de lui donner du secours, protestant qu’à moins de cela il serait contraint de l’aller trouver. Arbogaste ayant longtemps songé à ce qu’il devait faire, prit la résolution que je vais dire.