XLVIII.
Mais « ni la chair, ni le sang, dis-tu, ne doivent posséder le royaume de l'héritage de Dieu. » Nous le savons, ainsi il est écrit. Nous avons ajourné jusqu'à ce moment une objection que nos adversaires placent au front de la bataille, nous réservant de la détruire à la fin du combat, après avoir renversé toutes les subtilités qui sont pour celles-ci comme autant d'auxiliaires. Toutefois, qu'ils attendent que nous ayons examiné ce qui précède, afin que l'origine de ce passage lui restitue sou sens. L'Apôtre, à mon avis, ayant exposé aux Corinthiens tous les préceptes de la discipline ecclésiastique, avait renfermé le fondement de l'Evangile et de leur foi, dans la vérité de la mort et de la résurrection de notre Seigneur, afin de faire sortir la règle de notre espérance de ce qui en est le principe. C'est pourquoi il ajoute, « Puis donc qu'où vous a prêché que Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts, comment s'en trouve-t-il parmi vous qui osent dire que les morts ne ressuscitent point? Si les morts ne ressuscitent pas, Jésus-Christ n'est donc pas ressuscité. Si Jésus-Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine et notre foi est vaine. Nous serons même convaincus d'être de faux témoins à l'égard de Dieu, comme ayant rendu ce témoignage contre Dieu même, en disant qu'il a ressuscité Jésus-Christ, qu'il n'a pas ressuscité. Car si les morts ne ressuscitent pas, Jésus-Christ n'est pas non plus ressuscité; votre foi est vainc; car vous êtes encore dans vos péchés. Ceux qui sont morts en Jésus-Christ sont donc morts sans espérance. »
Quel est ici le but de l'Apôtre? Que nous engage-t-il à croire? ---- La résurrection des morts que l'on niait, dis-tu? |513 ---- Il voulait donc qu'on y crût à l'exemple de la résurrection de notre Seigneur. ---- Il n'en faut point douter. ---- Dis-moi, l'exemple s'emprunte-t-il aux choses qui se ressemblent ou qui diffèrent? ---- Aux choses qui se ressemblent. ---- Comment donc Jésus-Christ est-il ressuscité? Dans sa chair ou non? Infailliblement, si tu entends avec les Ecritures qu'il est mort et a été enseveli, mais mort et enseveli dans sa chair, tu accordes aussi qu'il est ressuscité pareillement dans sa chair. La substance qui est tombée par la mort, qui a été gisante dans le sépulcre, c'est celle-là qui est ressuscitée, non pas tant Jésus-Christ dans la chair que la chair dans Jésus-Christ. Si donc nous devons ressusciter à l'exemple de Jésus-Christ qui est ressuscité dans la chair, il est vrai aussi que nous ne ressusciterons pas à l'exemple de Jésus-Christ, si nous ne ressuscitons pas également dans la chair. Car « c'est par un homme que la mort est venue, dit-il, c'est aussi par un homme que vient la résurrection; » il voulait distinguer les auteurs, Adam de la mort, le Christ de la résurrection; mais en les opposant l'un à l'autre et en leur donnant le nom d'homme, il assigne la résurrection à la même substance que la mort. « En effet, si de même que tous meurent dans Adam, de même tous doivent être vivifiés dans le Christ, » c'est par la chair qu'ils seront vivifiés dans le Christ, comme ils meurent par la chair dans Adam.
« Mais chacun à son rang. » Oui, parce qu'il sera vivifié dans son corps. Le rang n'est autre chose que la proportion des mérites. Puisque des mérites sont assignés au corps, il faut qu'il y ail un rang pour les corps, afin qu'il y en ait un pour les mérites. « Mais si quelques-uns se font baptiser pour les morts. » Nous verrons si celle coutume est raisonnable. Toutefois l'Apôtre déclare qu'elle a son origine dans celle présomption qu'un baptême, reçu pour d'autres, servirait à une chair même étrangère, pour l'espérance de la résurrection: si celle-ci n'était point |514 corporelle, on ne rattacherait pas ainsi à un baptême corporel. « Pourquoi sont-ils baptisés eux-mêmes pour les morts, dit-il, s'il est vrai que les morts ne ressuscitent pas? » C'est que l'âme est consacrée non pas seulement par l'eau qui lave, mais par le sceau des engagements.
« Pourquoi nous-mêmes, dit-il encore, nous exposons-nous à toute heure à tant de périls, » dans la chair, par conséquent. « Il n'y a point de jour que je ne meure; » toujours dans cette même chair qui combattit à Ephèse contre des bêtes farouches: qu'est-ce à dire? contre les bêtes farouches de la tribulation qui lui survint en Asie, et dont il parle aux mêmes Corinthiens, dans sa seconde épître: « Je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez l'affliction qui nous est survenue en Asie, parce qu'elle a été au-dessus de nos forces, jusqu'à nous lasser même de vivre. » Toutes ces choses, si je ne me trompe, il les leur raconte pour leur apprendre, en leur défendant de regarder la tribulation comme stérile, à croire fermement la résurrection de la chair. En effet, il faut regarder comme stérile toute tribulation de la chair, si la chair ne ressuscite pas.
« Mais, me dira-t-on, comment les morts ressusciteront-ils, et avec quels corps reviendront-ils? » L'Apôtre discute ici sur la qualité des corps: reprendrons-nous ceux que nous avions ici-bas? Mais comme une question de cette nature doit se traiter la dernière, il suffira en attendant de cet aveu que s'enquérir de la qualité des corps, c'est proclamer que la résurrection sera corporelle.