Chapitre LI
Il demeurait donc ainsi seul dans le fond de la montagne, se donnant tout entier à la prière et aux autres exercices de la vie solitaire ; et les frères qui l’assistaient, le supplièrent d’accepter que ceux qui venaient le voir tous les mois, lui apportent des olives et de l’huile, parce qu’il était déjà vieux.
Combien, durant ce séjour, a-t-il soutenu de combats, non pas comme dit l’Apôtre, contre la chair et le sang, mais contre les princes du siècle et les puissances des ténèbres (Ep 6, 12) ! Nous avons appris de ceux qui allaient le visiter, qu’ils entendaient de grands bruits de voix confuses, et comme des gens armés qui s’entrechoquaient ; qu’ils voyaient la nuit la montagne pleine de bêtes féroces et Antoine combattant contre des ennemis visibles, et se mettant en oraison pour les vaincre. Et cela au lieu de les remplir de crainte, les rassurait. Il repoussait ces assauts en fléchissant les genoux devant Dieu et il lui adressait sa prière. Et véritablement, c’était une chose digne d’admiration de le voir demeurer seul dans un désert si effroyable, sans s’étonner des attaques continuelles des démons, et sans craindre la fureur de tant de bêtes féroces et des serpents. Mais, ainsi que dit le psalmiste : la confiance qu’il avait en Dieu rendait son esprit aussi ferme et aussi inébranlable que la montagne de Sion (Ps 124, 1). Les démons avaient plus peur de lui que lui n’avait peur d’eux, et les animaux cruels, comme il est dit dans l’Ecriture, devenaient doux en sa présence (Job 5, 23).