8.
Telles sont les différences, sans parler d'une infinité d autres, dans la génération des fruits. Qui pourrait épuiser les variétés des fruits mêmes, leurs formes, leurs couleurs, leurs saveurs particulières, l’utilité de chacun? qui pourrait dire comment la plupart sont exposés nus au soleil qui les mûrit; comment quelques-uns sont enveloppés de coques où ils prennent leur maturité ? Les arbres dont le fruit est tendre, ont une feuille épaisse, comme le figuier; ceux dont le fruit est plats ferme, ont une feuille plus légère, comme le noyer. Certains fruits avaient besoin d’un pus grand secours à cause de leur faiblesse: un feuillage plus épais aurait nui à d'autres, à cause de l'ombre qu'il aurait donné. Qui pourrait dire comment la feuille de la vigne est coupée en deux, pour que la grappe résiste aux injures de l’air, et pour qu'elle reçoive abondamment les rayons du soleil, vu la ténuité de la feuille? Rien n'a été fait au hasard et sans cause, tout a été dirigé par une sagesse ineffable.
Quel discours pourrait tout détailler? quel esprit humain pourrait, tout rapporter avec exactitude; pourrait connaître et distinguer clairement les propriétés et les différences de chaque arbre et de son fruit, expliquer sûrement les causes cachées ? La même eau pompée par la racine, nourrit différemment la racine elle-même, l'écorce du tronc , le bois et la moelle. La même eau devient feuille, se partage en grandes et petites branches, donne de l'accroissement aux fruits les larmes et le suc viennent de la même cause.
Nul discours ne pourrait exprimer toutes les différences de ce suc et de ces larmes. Autre est la larme du lentisque, autre est le suc du baume. Il est en Egypte et dans la Lybie des férules qui distillent une autre espèce de sucs. Plusieurs pensent que lambre est un suc des plantes durci et comme pétrifié. Ce qui confirme cette opinion, ce sont des pailles et de petits animaux qu'on y aperçoit enfermés , et qui attestent l'existence d'un suc originairement liquide. En général , celui cuti ne connaît point par expérience les différentes qualités des sucs, ne pourra trouver des paroles pour expliquer leur vertu et leur efficacité. Mais comment la même eau se forme-t-elle en vin dans la vigne et en huile dans l'olivier? Ce qu'il y a d'admirable, c'est de voir non-seulement de quelle manière ici l'eau devient douce et là devient onctueuse , mais encore quelles sont les variétés infinies des fruits doux. Car autre est la douceur dans la vigne, autre dans le pommier, dans le figuier, dans le palmier. Je désire encore que vous examiniez avec attention comment la même eau, tantôt flatte le palais, lorsqu'elle s'adoucit en s'arrêtant dans quelques plantes; tantôt l’offense, lorsque passant pas d'autres plantes elle s'aigrit; et enfin se tournant en la dernière amertume le révolte , lorsqu'elle séjourne dans l'absinthe ou dans la scammonée: dans le gland ou dans le fruit du cornouiller, elle prend une qualité rude et astringente; dans les térébinthes , et dans les noix, elle se convertit en une substance douce et huileuse.