3.
Ne vous imaginez donc pas, ô homme, que les choses visibles soient sans commencement ; et parce que les globes qui se meuvent dans les cieux y roulent en corde, et qu il n'est pas facile à nos sens d'apercevoir le commencement, d'un cercle, ne croyez pas que la nature des corps qui roulent en cercle soit d’être sans commencement1. En effet, quoiqu'en général dans cette figure plane terminée par une seule ligne, nos sens ne puissent trouver ni par où elle commence , ni par où elle finit, nous ne devons pas supposer pour cela qu'elle soit sans commencement : Mais, quoique ce commencement échappe à notre vue, celui qui a tracé la figure en partant d’un centre et en s'éloignant à une certaine distance, a réellement commencé par un point. De même vous, quoique les êtres qui roulent en cercle reviennent sur eux-mêmes, quoique leur mouvement soit égal et non interrompu, n allez pas tomber dans l'erreur que le monde est sans commencement et sans fin. La figure de ce monde passe , dit saint Paul ( I . Cor. 7. 31.). Le ciel et la terre passeront , dit l'Evangile ( Matth. 24. 35. ).
C'est l'annonce et le prélude du dogme de la consommation et de la rénovation du monde, que ce peu de paroles que nous lisons à la tète des divines Écritures : Au commencement Dieu créa. Ce qui a commencé dans un temps doit nécessairement être consommé dans un temps. Ce qui a eu un commencement, ne doutez pas qu'il n’ait une fin. Eh ! quel est le terme et le but des sciences arithmétiques et géométriques, des recherches sur les bolides, de cette astronomie si vantée, de toutes ces laborieuses bagatelles, s'il est vrai que ceux qui su sont livrés à ces études ont prononcé que ce monde visible est éternel2 comme Dieu créateur de l'univers ; s'ils ont élevé un être matériel et circonscrit, à la même gloire qu'une nature incompréhensible et invisible ; si, sans pouvoir observer qu'un tout dont les parties sont sujettes à la corruption et aux changements, doit nécessairement subir les mêmes révolutions que ses diverses parties, ils se sont égarés dans leurs raisonnements, leur coeur insensé a été rempli de ténèbres, ils sont devenus fous en s'attribuant le nom de sages ( Rom. 1. 21. ), au point qu'ils ont déclaré, les uns, que le monde est de toute éternité comme Dieu ; les autres, qu'il est Dieu lui-même sans commencement et sans fin , qu'il est la cause de l'ordre que nous admirons dans toutes les parties de ce grand univers ?
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Saint Basile attaque sans doute ici le très-mauvais raisonnement de quelque physicien de son temps , ou de quelque ancien philosophe. ↩
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Tous les philosophes qui ont raisonné sur la physique, ont admis l'éternité de la matière; plusieurs même, entre autres Aristote, ont soutenu que ce monde visible était éternel. ↩