CHAPITRE XXII : HÉGÉSIPPE ET CEUX DONT IL PARLE
[1] Dans les cinq livres de Mémoires que nous avons de lui, Hégésippe a laissé, en effet, un document très complet de sa croyance personnelle. Il y fait connaître qu'au cours de son voyage à Rome, il eut des rapports avec beaucoup d'évêques, et qu'auprès de tous, il a trouvé la même doctrine. Après avoir parlé de l'épître de Clément aux Corinthiens, il ajoute ceci qu'il est bon d'entendre (voy. l'Appendice :
« [2] L'église des Corinthiens demeura dans l'orthodoxie jusqu'à l'épiscopat de Primus. Lorsque je naviguais vers Rome, j'ai vécu avec les gens de Corinthe et j'ai passé parmi eux un certain nombre de jours et je me suis réjoui avec eux de la pure té de leur doctrine.1 [3] A Rome où je fus, j'ai établi une succession jusqu'à Anicet, dont Eleuthère était diacre : Soter fut le successeur d'Anicet, et Eleuthère vint après lui. Dans chaque succession et dans chaque ville, on est fidèle à l'enseignement de la loi, des prophètes et du Seigneur. »2
[4] Le même Hégésippe expose aussi les débuts des hérésies de son temps, en ces termes :
« Après Jacques le Juste, qui subit le martyre comme le Seigneur, pour la même doctrine, Siméon, fils de Clopas, 459 oncle du Christ, fut établi second évêque de Jérusalem ; tous le préférèrent parce qu'il était cousin germain de Jésus. L'Église alors était appelée vierge, parce qu'elle n'avait encore été souillée par aucun enseignement erroné. [5] Mais Thébuthis, mécontent de n'avoir pas été évêque, commença dans le peuple, l'œuvre de corruption qui vint des sept sectes juives, dont il faisait lui-même partie. De celles-ci sortirent Simon, le chef des Simoniens ; Cléobius, celui de Cléobiens ; Dosithée, celui des Dosithéens ; Gorthée, celui des Gorathéniens, et les Masbothéens. C'est d'eux que vinrent les Ménandriens, les Marcianistes, les Carpocratiens, les Valentiniens, les Basilidiens, les Saturniliens, qui avaient tous introduit, chacun de son côté, leurs différentes opinions particulières.3 [6] C'est d'eux encore que sont sortis les pseudo-christs , les pseudo-prophètes, les pseudo-apôtres qui divisèrent l'unité de l'Église par des pernicieux discours contre Dieu et son Christ. »
[7] Le même Hégésippe rappelle encore les anciennes hérésies qui ont existé chez les Juifs :
« II y avait, dit-il, chez les circoncis, parmi les fils d'Israël, différentes croyances contre la tribu de Juda et contre le Christ, Ce sont celles des Esséniens, Galiléens, Hémérobaptistes, Masbothéens, Samaritains, Sadducéens, Pharisiens. »4
[8] II nous a transmis beaucoup d'autres renseignements dont nous avons en partie, déjà fait mention et que nous avons donnés selon la convenance du récit. II cite l'Évangile aux Hébreux et l'évangile syriaque, et rapporte des particularités de la langue hébraïque, 461 d'où il ressort qu'il a passé du judaïsme à la foi chrétienne. Du reste, il rapporte encore d'autres particularités comme venant d'une tradition juive orale.5 [9] C'est non seulement lui et Irénée, mais aussi tout le chœur des anciens, qui donnent le nom de Sagesse pleine de vertu aux Proverbes de Salomon. Pour ce qui est des livres des apocryphes, il nous raconte qu'un certain nombre d'entre eux, composés par des hérétiques, parurent à son époque. Mais il faut maintenant passer à un autre sujet.
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τοῖς Κορινθίοις, ancienne glose, d'après M. Schwartz. ↩
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διαδοχὴν ἐποιησάμην : mss., syr., « mauvaise correction, introduite pour combler une lacune » (SCHWARTZ), permansi inibi. La question du catalogue d'Hégésippe est très contreversée; voy. les histoires littéraires. ↩
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καὶ Μασβώθιοι, ancienen interpolation (antérieure au syr. et au lat.) d'après V. Schwartz. ↩
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Ἰσμαηλιτῶν VALOIS; ἰσμαήλ τῶν mss., syr.. lat.; ἰσμαὴλ ἡ τῶν AMT. — αὖται mss., syr., om. lat. ; M. Schwartz conjecture pour Hégésippe : αὐτῆς. ↩
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παννάρετπν σοφίαν : ce titre a été donné aussi au recueil de Jésus Sirach; voy. SCHUEBER, Gesch. des jüidichen Volke, t. III (3* éd.), p.161. ↩