CHAPITRE XXIII : DENYS, ÉVÊQUE DE COHINTHE, ET LES LETTRES QU'IL A ÉCRITES
[1] Il faut d'abord parler de Denys, qui occupa le siège épiscopal de l'église de Corinthe. Cet évêque, non content d'exercer son zèle divin sur ceux qui étaient soumis à son autorité, l'étendait encore et sans compter à d'autres pays. Il se rendait très utile à tous, par les lettres catholiques qu'il composait pour les Eglises. [2] Parmi ces écrits, se trouvent la lettre adressée aux Lacédémoniens, qui est une catéchèse d'orthodoxie et qui a pour sujet la paix et l'unité ; la lettre aux Athéniens, où il les convie à croire et à vivre selon l'évangile,et où il les blâme de leur négligence ; ils avaient en effet presque abandonné les enseignements du Christ depuis que leur chef Publius avait été martyrisé lors des persécutions de cette époque. [3] II nous apprend que Quadratus, devint leur évêque après le martyre de Publius et il 463 atteste que celui-là mit tout son zèle à rassembler les fidèles et à raviver leur foi. Il nous apprend en outre que Denys l'Aréopagite, dont la conversion par l'apôtre Paul est rapportée par les Actes, reçut le premier la direction de l'Eglise d'Athènes. [4] On montre encore une autre lettre adressée à ceux de Nicomédie, dans laquelle Denys attaque l'hérésie de Marcion et défend la règle de la vérité. [5] II écrivit encore à l'Église de Gortyne en même temps qu'aux autres Églises de Crète ; il loue Philippe, leur évêque, de ce que son église s'est signalée par un grand nombre d'actions courageuses; il rappelle qu'on doit se garder de fréquenter les hérétiques. [6] Dans sa lettre à l'Église d'Amastris et à celles du Pont, qu'il dit avoir écrit à la prière de Bacchylide et d'EIpiste, il commente les saintes Écritures et nous apprend que leur évêque s'appelait Palmas ; il donne plusieurs avis sur le mariage et la continence et engage ses correspondants à recevoir les pécheurs, quelque coupables qu'ils soient, qu'ils aient commis une faute ordinaire ou même le péché d'hérésie. [7] A ces lettres il faut ajouter une autre aux habitants de Gnosos dans laquelle Denys exhorte Pinytos, leur évêque, à ne pas imposer aux frères le lourd fardeau de la chasteté, mais à avoir en vue la faiblesse du grand nombre. [8] Celui-ci répondit en exprimant 465 son admiration et l'accueil favorable qu'il fait à son exhortation ; il en gage son collègue à distribuer encore à son peuple une alimentation plus solide, dans des écrits plus virils, de peur que, nourri constamment de lait, il ne vieillisse insensiblement dans une longue enfance. On peut voir par cette réponse, comme en un tableau achevé, l'orthodoxie de la foi de Pinytos, quel souci il avait du besoin de ses ouailles, quelle était son éloquence, et quelle enfin son intelligence des choses divines.
[9] On a encore de Denys une lettre aux Romains ; elle est adressée à Soter, alors leur évêque : rien n'empêche d'en citer le passage où l'auteur approuve l'usage conservé parmi les Romains jusqu'à la persécution de notre temps. Voici ce qu'il écrit (voy. l'Appendice) :
« [10] Depuis le commencement, vous avez en effet coutume de donner toutes sortes de secours à tous les frères; vous envoyez aux nombreuses Églises, dans chaque ville, des provisions de bouche : ainsi vous soulagez le dénuement de ceux qui sont dans le besoin ; ainsi par les ressources que, dès le début, vous leur faites parvenir, vous soutenez les confesseurs qui sont aux mines. Romains, vous gardez les traditions que vous ont laissées vos pères les Romains. Non seulement Soter, votre bienheureux évêque, les maintient; mais il les développe, en fournissant généreusement tout ce qu'on expédie aux saints ; et, quand les chrétiens viennent à lui, il les accueille par des paroles aimables, comme un père bienveillant ferait ses enfants. »1
[11] Denys, dans cette même lettre, parle de l'épître 467 de Clément aux Corinthiens ; il montre que, depuis longtemps, l'usage antique était d'en faire la lecture dans l'assemblée des fidèles. Il dit en effet :
« Aujourd'hui nous avons célébré le saint jour du dimanche, pendant lequel nous avons lu votre lettre ; nous continuerons à la lire toujours, comme un avertissement, ainsi que du reste la première que Clément nous a adressée. »2
[12] Le même Denys se plaint encore que ses propres lettres aient été falsifiées :
« Des frères, dit-il, m'ont prié d'écrire des lettres et je l'ai fait; mais les apôtres du diable vont mêlé de l'ivraie et ils ont tantôt retranché et tantôt ajouté. Sur eux repose la malédiction « Malheur à vous! » II n'est pas étonnant qu'ils aient altéré les enseignements du Seigneur, puisqu'ils se sont attaqués à d'autres qui n'ont pas leur importance. »
[13] II y a encore de Denys une autre lettre envoyée à Chrysophora, sœur très fidèle. Il lui donnait par écrit les avis qui correspondaient à sa situation et lui présentait l'aliment de la vérité qui lui convenait. Voilà ce qui regarde Denys.
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passage altéré profondément d'après M. Schwartz : « πάντας μὲν ἀδελφούς n'a pas de correspondant; πολλαῖς et ταῖς κατὰ πᾶσαν πόλιν s'excluent; ὧδε devait commencer une nouvelle phrase, et άναψύχοντας; et ἐπινορηγτοῦντας sont altérés par un accord fautif; δι' ὧν πέμπετε ἐφοδίων, om, par lat. d'après une conjecture, ne peuvent guère être authentiques, ἀρχῆθεν se rapporte à πατροπαράδοτον. » ↩
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τὴν προτέραν... γραφεῖσαν désigne l'épître de Clément comme première par rapport à celle de Soter, non par rapport une autre de Clément. Ce passage ne permet pas d'affirmer que la Secunda Clementis était reconnue et lue par Denys de Corinthe; on en peut plutôt conclure le contraire. ↩