[IX a] Copie de la traduction de la lettre du tyran.
« [1] Jovius Maximin Auguste à Sabinus. Il est évident pour ta Dévotion et pour tous les homme, j'en suis persuadé, que ce sont nos maîtres, Dioclétien et Maximien, nos pères, qui, quand ils constatèrent que tous les hommes désertaient la religion des dieux et se mêlaient au peuple des chrétiens, ont justement disposé que 47 tous ceux qui s'étaient éloignés du culte des dieux immortels eux-mêmes, seraient par châtiment et punition éclatante rappelés à les honorer. [2] Mais lorsque je vins heureusement en Orient et que j'appris qu'un grand nombre de gens qui pouvaient être utiles à l'État étaient bannis en certains lieux par les juges pour le motif ci-dessus indiqué, j'ai donné des ordres à chaque juge pour qu'aucun à l'avenir ne se laissât aller à être cruel contre les habitants des provinces, mais que plutôt par des gracieusetés et des exhortations ils les rappelassent au culte des dieux. [3] Alors cela étant, lorsque conformément à mes ordres, les juges ont gardé mes décisions, il n'est arrivé à personne d'être exilé des contrées de l'Orient ni d'être maltraité ; mais au contraire, comme on n'agissait pas durement contre eux, ils étaient rappelés à la religion des dieux.
« [4] Plus tard, lorsque l'année dernière j'arrivais heureusement à Nicomédie et que j'y prolongeais mon séjour, des citoyens de cette ville vinrent à moi avec les statues des dieux pour demander avec instance que de toute manière il ne fût jamais permis à un pareil peuple d'habiter leur patrie. [5] Cependant comme je savais qu'un grand nombre de sectateurs de cette religion habitaient ces contrées, je répondis à leur requête que leur demande me causait bien de la joie, mais que je ne voyais pas que cela fût réclamé par tous ; que, si certains persévéraient dans celte superstition, dans ce cas ils gardassent chacun sa préférence, et que, s'ils 49 le voulaient, ils reconnussent le culte des dieux. [6] Mais aux habitants de la ville de Nicomédie et aux autres villes, qui, elles aussi, pour le même but, m'avaient fait la même demande avec beaucoup d'empressement, à savoir qu'aucun chrétien n'habitât les villes, je fus dans la nécessité de répondre avec bienveillance, parce que tous les anciens empereurs avaient observé la même conduite et qu'aux dieux eux-mêmes par qui subsistent tous les hommes et le gouvernement lui-même des affaires publiques, il me plaisait que je confirmasse une telle requête qu'ils m'apportaient en faveur du culte de leur divinité.
« [7] Aussi bien, quoique très souvent auparavant il ait été envoyé des rescrits à ta Dévotion et qu'il t'ait été pareillement enjoint par des ordonnances qu'on ne se porte contre les habitants des provinces qui tiennent à garder une telle coutume, à rien de déplaisant, mais qu'on sache être indulgent et modéré, néanmoins afin que de la part ni des beneficiarii ni de qui que ce soit, ils n'aient à supporter ni violences ni tracasseries, j'ai décidé en conséquence de rappeler à la Gravité parles présentes que ce sera plutôt parles gracieusetés et les exhortations que tu feras agréer le soin des dieux à nos sujets de provinces. [8] Par suite, si quelqu'un, par son propre choix, préfère le culte des dieux qu'on doit reconnaîlre, il convient de l'accueillir ; mais si certains veulent suivre leur religion à eux, laisse-les à ce qui leur est permis. [9] C'est pourquoi ta Dévotion doit observer ce qui t'est prescrit, et qu'à personne il ne soit accordé de vexer nos sujets des provinces par des violences et 51 des tracasseries, quand, selon ce qui est écrit ci-dessus, c'est par les exhortations bien plutôt et les gracieusetés qu'il convient de ramener nos sujets des provinces au culte des dieux. Et afin que cet ordre de nous parvienne à la connaissance de tous nos sujets des provinces, tu devras, par un décret que tu dresseras, publier ce qui a été ordonné. »
[10] Voilà ce qu'il écrivit contraint par la nécessité, mais non pas pour obéir à sa conviction ; il n'était pas non plus véridique, ni digne d'être cru par personne, parce qu'après une concession semblable faite précédemment, son esprit s'était révélé inconstant et trompeur. [11] Pas un des noires n'osa donc convoquer une assemblée ni s'exposer soi-même en public, parce que la lettre ne le lui permettait pas. Il n'y avait de garanti que la sécurité contre les outrages, mais il n'était pas octroyé de faire des assemblées non plus que de bâtir des églises, ni de pratiquer quoi que ce soit de ce que nous avons coutume. [12] Cependant les défenseurs de la paix et de la religion lui avaient écrit d'autoriser cela, et les édits et les lois l'avaient accordé à tous leurs sujets ; mais cet homme très impie avait préféré ne point s'accorder ainsi, mais seulement lorsque, acculé par la divine justice, il y serait contraint malgré lui.