CHAPITRE V : COPIE DES CONSTITUTIONS IMPERIALES CONCERNANT LES CHRÉTIENS
[1] Maintenant présentons les ordonnances impériales de Constantin et de Licinius traduites de la langue latine.
[2] Copie des ordonnances impériales traduites de la langue latine.
Depuis longtemps déjà considérant que la liberté 133 de la religion ne doit pas être refusée, mais qu'il faut donner à la raison et à la volonté de tout un chacun le pouvoir de traiter les choses divines selon sa préférence, nous avions ordonné aussi aux chrétiens de garder la foi de leur secte et de leur religion.2 [3] Mais parce que de nombreuses et diverses conditions paraissaient clairement cire ajoutées dans ce rescrit, où une telle liberté était concédée aux mêmes, il est peut-être arrivé que certains d'entre eux ont peu après renoncé à cette observance,3 [4] Alors que moi, Constantin Auguste, et moi, Licinius Auguste, nous sommes heureusement venus à Milan et avons recherché tout ce qui importait à l'utilité et à l'avantage public, entre les autres choses qui nous paraissaient utiles à beaucoup d'égards à tout le monde, nous avons décidé de placer de préférence, en premier lieu, ce qui concerne le respect et l'honneur de la divinité, c'est-à-dire de donner à la fois aux chrétiens et à tous le libre choix de suivre la religion qu'ils voudraient, en sorte que ce qu'il peut y avoir de divinité et d'être céleste nous puisse être bienveillant ainsi qu'à tous ceux qui vivent sous notre autorité. [5] Ce jour-là donc nous avons décidé dans un dessein salutaire et très droit que notre volonté est qu'il ne soit refusé absolument à personne la faculté de suivre et de choisir l'observance ou religion des chrétiens et qu'à chacun soit accordé le droit d'attacher son cœur à cette religion qu'il croit lui convenir, en sorte que la divinité 135 puisse nous donner en tout son soin affectueux et sa bienveillance. [6] Ainsi, il était logique qu'il nous plût de donner ce rescrit, afin qu'après la suppression complète des conditions qui se trouvaient dans nos écrits antérieurs envoyés à ta Dévotion concernant les chrétiens, ce qui paraissait tout à fait de travers et étranger à notre mansuétude fût aboli et en même temps que maintenant, librement et simplement, chacun de ceux qui ont eu ladite détermination de garder la religion des chrétiens la garde sans être troublé. [7] Nous ayons décidé de le signifier avec la plus grande plénitude à la Sollicitude, afin que tu saches que nous donnons une faculté libre et sans entrave auxdits chrétiens de pratiquer leur religion. [8] Puisque ta Dévotion voit que nous leur accordons cela d'une façon absolue, elle comprend qu'aux autres aussi qui le veulent, est accordée la faculté de suivre leur observance et culte, comme il est évident qu'il convient à la tranquillité de nos temps, en sorte que chacun a le droit de choix et de pratique à sa volonté. Gela est établi par nous afin qu'il ne paraisse pas que nous restreignions pour personne ce qui est honneur ou religion.4
[9] En outre, au regard des chrétiens, nous ordonnons aussi, pour leurs locaux, où ils avaient coutume de s'assembler auparavant et au sujet desquels, dans les écrits précédemment adressés à ta Dévotion, une autre règle avait été jadis déterminée, si des gens les ont achetés 137 de notre fisc ou de quelque autre, qu'ils les restituent à ces dits chrétiens sans argent ni répétition du prix, et que toute négligence et équivoque soit mise de côté ; et si certains ont reçu lesdits locaux en présent, qu'ils les rendent au plus tôt auxdits chrétiens.5 [10] Par suite, si les acquéreurs de ces locaux, ou ceux à qui ils auraient été donnés en présent, demandent quelque chose de notre bienveillance, qu'ils aillent au tribunal du magistral local, afin que par notre générosité il soit pourvu à ce qui les concerne. Tout cela intégralement devra être remisa la corporation des chrétiens par tes soins et sans retard. [11] Et comme lesdits chrétiens sont connus pour avoir possédé non seulement les locaux dans lesquels ils avaient coutume de s'assembler, mais d'autres encore leur appartenant, non pas à chacun d'eux, mais au domaine de leur corporation, c'est-à-dire de la corporation des chrétiens, tu ordonneras que tout cela, selon la loi exprimée plus haut, sans débat d'aucune sorte, soit restitué à ces mêmes chrétiens, c'est-à-dire à leur corporation et assemblée, la disposition énoncée plus haut étant observée sans aucune hésitation en sorte que ceux qui les restitueront sans en recevoir le prix, selon qu'il est dit auparavant, puissent, espérer de notre générosité l'indemnité qui les concerne.6 [12] En tout cela, tu dois apporter à la susdite corporation 139 des chrétiens le zèle le plus efficace, afin que notre ordonnance soit accomplie le plus rapidement possible, afin qu'aussi en cette affaire il soit pourvu par notre bonté à la tranquillité commune et publique. [13] Par cette disposition, en effet, comme il a été dit, la bonté divine envers nous, que nous avons déjà éprouvée en beaucoup de circonstances, demeurera ferme en tout temps. [14] Mais afin que la teneur de notre loi et désoler générosité puisse être portée à la connaissance de tous, il est logique que ce qui a été écrit par nous, affiché par ton ordre, soit publié partout et vienne à être su par tous, en sorte que personne ne puisse ignorer la loi de notre générosité.7
[15] Copie d'une autre ordonnance impériale qu'il fil de nouveau prescrivant de faire la donation à la seule Église catholique.
Salut, Anulinus, très cher à nous. C'est la forme de notre amour du bien, de vouloir que ce qui appartient à un domaine étranger, non seulement ne soit pas troublé, mais encore lui soit restitué, très cher Anulinus.8 [16] C'est pourquoi nous ordonnons, lorsque cet écrit arrivera, si quelqu'une des choses ayant appartenu à l'Eglise catholique des chrétiens dans chaque ville ou autre lieu est actuellement retenue par des citoyens ou autres, que tu la fasses restituer sur-le-champ aux mêmes églises. Car nous avons décidé que ce qu'avaient possédé lesdites églises antérieurement soit restitué 141 à leur domaine.9 [17] Puisque ta Dévotion voit que l'ordre de notre commandement est très clair, empresse-toi pour que jardins, maisons ou quoi que ce soit qui appartenait au domaine desdites églises, leur soit rendu complètement au plus tôt, afin que nous apprenions que tu as apporté à notre ordonnance l'obéissance la plus empressée. Porte-loi bien, Anulinus, notre très cher et très aimé.
[18] Copie de la le lire impériale par laquelle il ordonne qu'on fasse une assemblée d'évêques à Rome pour l'union et la concorde des églises.
Constantin Auguste à Miltiade, évoque des Romains, et à Marc. Comme d'importants écrits m'ont été envoyés en assez grand nombre par Anulinus, le clarissime proconsul d'Afrique, dans lesquels il est rapporté que Caecilianus, l'évêque de la ville de Carthage, est censuré en beaucoup de choses par certains de ses collègues établis en Afrique, et qu'il me paraît tout à fait pénible que, dans ces provinces que la divine Providence a de son plein gré confiées à ma Dévotion et où il y a un peuple nombreux, il se trouve du trouble pour un sujet de fort peu d'importance, si bien qu'il y aurait deux partis et des diffé- 143 rends entre évêques,10 [19] il m'a paru bon que Caecilianus lui-même, avec dix évêques de ceux qui le blâment et dix autres qu'il croira utiles à sa cause, s'embarquent pour Rome, afin qu'en présence de vous, comme aussi de Réticius, Maternus et Marin, vos collègues, à qui j'ai ordonné de venir en hâte à Rome, il puisse être entendu,, comme vous savez qu'il est conforme à la très auguste loi.11 [20] Afin du reste que de toutes ces choses vous puissiez avoir la plus entière connaissance, joignant à ma lettre les copies des écrits que m'a fait parvenir Anulinus, je les ai envoyées à vos collègues susdits. Après les avoir lues, votre Fermeté jugera de quelle façon il faut trancher pour le mieux la susdite cause et la terminer selon le droit. En ce temps il n'échappe pas à votre sollicitude que je porte un tel respect à l'Eglise catholique légitimement établie que je ne veux pas que vous laissiez aucun schisme public ni dissension en aucun lieu. Que la divinité du grand Dieu vous garde, très cher, de longues années.12
[21] Copie de la lettre impériale par laquelle il ordonne de tenir une seconde assemblée pour faire disparaître toute discussion entre évêques.
Constantin Auguste à Chrestus, évoque des Syracusains. Déjà antérieurement lorsque certains commen- 145 cèrent à se diviser d'une façon méchante et perverse au sujet de la sainte religion, de la puissance céleste et de la secte catholique, voulant couper court à leurs querelles, j'ai établi qu'en présence de l'évêque de Home, certains évêques seraient envoyés de la Gaule, comme aussi seraient appelés d'Afrique ceux qui en des partis contraires étaient acharnés les uns contre les autres, obstinément et persévéramment, afin qu'il fût possible d'obtenir en leur présence, avec la rectitude parfaite d'un discernement soigneux, ce qu'il paraissait bon de provoquer. [22] Mais parce que certains, comme il arrive, ont oublié leur propre salut et le respect dû à la secte très sainte et ne cessent de prolonger leurs inimitiés personnelles, ne voulant pas se soumettre au jugement déjà porté et définissant que certains seulement en petit nombre ont exprimé leur opinion et leur avis, ou encore que, sans avoir auparavant examiné avec soin tout ce qu'il fallait chercher, ils se sont hâtés de prononcer le jugement d'une façon tout à fait prompte et rapide, et comme de tout cela il résulte ceci, que ceux qui devraient avoir une concorde fraternelle et unanime, sont divisés entre eux d'une façon lamentable et plutôt infâme et donnent aux hommes dont les âmes ont été étran-ères à la très sainte religion un prétexte à moquerie, il s'ensuit que j'ai à pourvoir à ce que ce qui aurait dû cesser, une fois le jugement porté, puisse aujourd'hui 147 prendre fin lorsque beaucoup seront présents.13 [23] Aussi bien, nous avons dès lors ordonné à un grand nombre d'évêques, de contrées diverses et multiples, qu'ils s'assemblassent dans la ville d'Arles aux calendes d'Août [314], et nous avons jugé bon de l'écrire de prendre, chez le clarissime Latronianus, correcteur de Sicile, la poste impériale, après t'être adjoint deux membres du second rang que tu jugeras bon de choisir, comme aussi trois domestiques qui puissent vous servir pendant la route, pour que lu le trouves le jour dit au lieu indiqué plus haut.14 [24] Ceci afin que par la Fermeté, comme du reste par l'union consciente d'âme et d'esprit de ceux qui seront assemblés, ce qui a duré jusqu'ici d'une façon fâcheuse grâce à des rivalités mauvaises, tout ce qui doit être dit étant entendu par ceux qui sont actuellement divisés entre eux et à qui nous avons pareillement ordonné de se rendre là, puisse être rappelé peu à peu à la religion et à la foi qu'il faut et à l'union fraternelle. Que Dieu tout-puissant le garde en santé de nombreuses années.
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v-vii. Ce recueil de documents fut inséré par Eusèhe dans ce que M. Schwartz appelle la seconde édition, quand l'auteur résolut d'ajouter une suite aux huit premiers livres. Il forma dès lors la conclusion de l'ouvrage, comme l'édit de tolérance de Galère l'avait faite dans la première rédaction (Voy. VIII, xvii). Mais Eusèbe remania 321 de nouveau l'ouvrage pour y insérer son discours et lui donner un dixième livre. Le recueil de documents fut reculé d'autant. Enfin, il fui supprimé, quand une dernière fois Eusèbe retoucha son œuvre et voulut y effacer le souvenir de Licinius. Ce recueil n'est donné que par les mss. AΕMRT. ↩
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suiv. Ce document esl connu sous le nom d'édil de Milan, rendu par Constantin el Licinius, en 313. LACTANCE, De mort, pers., lviiii, nous donne le texte latin sans le prologue, à partir du § 1. Lactance el Eusèhe nous ont transmis le texte qui fut affiché à Nicomédie. Adaptations françaises dans FLEURY Hist.eccl, IX, xi.vi : BOISSIER, La fin du paganisme, Paris, 1891, t. I, p. 30 ; DUCHESNE, Hist. anc, t.II, p. 35; etc.; bibliographie dans GOYAU, Chronologie de l'Empire romain, p. 387, n. 8 ; G. ΚRÜGER, Handbuch der Kirchengeschichte, 1911, t. I, p. 181 ; pour les différences entre Eusèbe et Lactance, voy. l'apparat de Schwartz ; sur le caractère du document, voy. l'éτude excellente de BOISSIER, l. c. - τοῖς τε Χριστιανοῖς : le τε suppose que quelque chose esτ tombé. ↩
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αἱρέσεις : le même mot traduit plus bas, § 6, condicio de Lactance. — Le rescrit dont il est question dans ces deux paragraphes est, pour les uns, l'édit d'avril 311 (VIII, xvιι, 3) ; pour les autres, un premier édiτ de Constantin rendu aussitôt après la défaite de Maxence. Ceτte dernière hypothèse explique IX, ,x, 12 (voy. la note). En tout cas, les dispositions dont il est question ici faisaient partie du texte du rescrit, comme l'indiquent les mots eux-mêmes. ↩
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Boissier paraphrase exactement : « Puisque nous l'accordons aux chrétiens, Votre Excellence comprendra bien que les autres doivent posséder le même droit. Il est digne du siècle où nous vivons, il convient à la tranquillité dont jouit l'empire, que la liberté soiτ complète pour tous nos sujets d'adorer le dieu qu'ils ont choisi, et qu'aucun culte 322 ne soit privé des honneurs qui lui sont dus. » Fleury, qui écrit au moment de la révocation de l'édil de Nantes, condense le tout en ce contresens : « Bien entendu que les autres auront la même liberté pour maintenir la tranquillité de notre règne. » LACTANCΕ : « Quod cum isdem a nobis induit uni esse peruideas, inlellegit dicatio tua etiam aliis religionis suao uel obseruantiae potestatem similiter apertam et liberam pro quiete temporis nostri esse concessam. » Le texte grec est altéré d'après M. Schwartz qui propose d'écrire au début de la phrase: θεωρεῖς, συνορᾷ ἡ σὴ καθοσίωσις. Je reprends θεωρεῖ de la subordonnée dans la principale. D'après M. Schwartz aussi, le raisonnement du document original devait être inversé et faire sortir de la tolérance générale la tolérance particulière aux chrétiens. Il est à craindre que celte hypothèse ne soit qu'une idée de savant moderne. Voy. l'analyse plus nuancée et plus exacte de BOISSIER, l. c., p.55 suiv. - βούλνται SCUWAHTZ: βούληται τὸ θεῖον mss. ↩
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ἵν' εἰ. rnss., εἰ SCHWAHTZ d'après Lactance. - δίχα supprimé par Lowth. ↩
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διαφέροντας. Cet exemple ancien du sens de «appartenir » mérite d'être noté. Sur la construction avec le génitif, voy. Glotta, II, p. 118. — παντελῶς SCUWEGLER, παντελοῦς mss. - M. Schwartz supprime αὐτῶν el ἑκαστῳ et propose de lire ἀποκαταστῆναι. ↩
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προταχθέντα M, προσταχθέντα ΕΤ,.προαχθέντος; Π, προταχθέντα τοῦ σοῦ προστάγματος om. Α : praelata programmata tuo ms. de Lactance, « Vous la ferez afficher partout avec votre attache » FLEURY ; cf. IX, ix a, 9. ↩
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Anulinus était proconsul d'Afrique. Cette lettre est un exemple des dispositions prises alors relativement aux biens des églises. ↩
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διίέφερον, voy. § 11. δίεφερον καί mss., διὲφερον SCHARTZ, διεφερόντων SCUWEGLER. ↩
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Sur les pièces qui suivent et dont nous avons les originaux latins, voy. DUCHESNE, Le dossier du donatisme dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'École de Rome, X [1890], 323 589. - Miltiade fut pape du 2 juillet 311 au 11 janvier 314. Marc nommé avec Miltiade est inconnu. Les pièces transmises par Anulinus contenaient le Libellus ecclesiae catholicae criminum Caeciliani (AUGUSTIN, Epist.. LXXXVII.). ↩
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Réticius, éêoque d'Autun ; Maternus, évêque de Cologne ; Marinus, évêque d'Arles. Tous trois figurèrent au concile d'Arles, en 314. ↩
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γράμμαασιν ἐμοῖς, litteris meis; cf. IX, ix a 7. - ἐνδέσμῳ, «légale» ; expression remarquable. L'Église est désormais rangée parmi les collegia quibus ius coeuundi lege permissum est (Dig.,I, vi, 6,12 ; cf. C. I. L, XIII, 1921, 1974). Le christianisme n'est pas religion d'État. ↩
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Le jugement auquel fait allusion Constantin est la décision du concile de Rome (2-4 oct. 313) qui confirma Caecilianus dans sa dignité. ↩
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Sur la date du concile d'Arles, voy. GOYAU, Chronologie de l'empire romain, p. 391, n. 4. - Domitius Latronianus, auteur d'une dédicace à Licinius en qualité de corrector (Panorme, C.I.L., X, 7284). Sur le corrector, voy. A. von PHEMEHSTEIN, v°, dans Real-Encijklopädie fur kl. Philologie, de Pauly et Wissowa, IV, 1646 ; sur le cursus publicus, SEECK, ib., 1846 ; l'usage de la poste impériale par les évêques allant au concile est fréquemment attesté, voy. les références, l. c, 1861, 40, auxquelles il faut joindre le présent texte ; sur l'esprit de cette mesure prise par Constantin, voy. DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, t. II, p. 67. ↩