CHAPITRE VIII : QUELS FURENT LES ÉCRIVAINS ECCLÉSIASTIQUES
[1] En ces temps, florissait Hégésippe ; nous avons déjà recouru à de nombreuses citations de lui, pour établir, sur son autorité, divers faits du temps des apôtres.1 [2] Après avoir raconté en cinq livres, d'une exposition fort simple, la tradition infaillible de la prédication apostolique, il indique clairement l'époque où il vécut, et il écrit ceci de ceux qui les premiers érigèrent des statues d'idoles :
« On leur élevait des cénotaphes et des temples, comme on fait encore aujourd'hui. L'un d'eux fut Antinous, esclave d'Hadrien César, à la gloire de qui l'on célèbre les jeux antinoiens et qui vivait de nos jours (voy. l'Appendice). L'empereur bâtit en effet une ville qui porte son nom et lui donna des prophètes. »
[3] Au même temps, Justin, sincère ami de la vraie philosophie, s'exerçait encore aux écrits des Grecs. Il indique lui aussi cette, époque dans l'apologie à Antonin en ces termes :
« II ne nous paraît pas hors de propos de rappeler encore ici Antinous qui vivait de notre temps tout récemment : tous, par crainte, s'empressaient de l'honorer comme un Dieu, quoiqu'ils sussent fort bien qui il était et d'où il était sorti. »
[4] A propos de la campagne d'alors contre les Juifs, le même ajoute :
« Dans la guerre juive actuelle, Barchochébas, le chef de la révolte, faisait conduire les seuls chrétiens à de terribles supplices s'ils ne reniaient et ne blasphémaient Jésus-Christ. »
[5] Dans le même ouvrage, il expose sa conversion de la philosophie grecque à la religion de Dieu ; il montre qu'il n'a pas fait cela sans réflexion, mais après examen ; voici ce qu'il en écrit :
« Je me plaisais aux enseignements de Platon, et j'entendais dire que les chrétiens étaient attaqués; cependant je les voyais sans crainte devant la mort et tout ce qu'on estime être redoutable, et j'en concluais qu'il était impossible qu'ils vécussent dans le mal et l'amour du plaisir. Celui qui aime les délices, qui n'est pas tempérant, qui se plaît à se nourrir de chair humaine, pourrait-il accueillir avec empressement une mort qui doit lui ravir ce qu'il chérit ? ne s'efforcerait- il pas au contraire de prolonger par tous les moyens, 393 l'existence d'ici-bas, et de se soustraire aux magistrats plutôt que d'aller s'accuser lui-même pour être mis à mort ? »
[6] Le même écrivain raconte encore qu'Hadrien reçut du clarissime gouverneur Serenius Granianusune lettre au sujet des chrétiens, disant qu'il n'était pas juste qu'en dehors de toute inculpation, on mît à mort les chrétiens sans jugement, pour plaire à la foule qui vociférait contre eux. Le prince répondit à Minucius Fundanus, proconsul d'Asie, et lui interdit de ne juger personne sans qu'il y ait une plainte et une accusation en règle.2 [7] Justin donne la copie du rescrit, gardant le texte latin tel qu'il est ; il le fait précéder de ceci :
« Et d'après une lettre du très grand, très illustre César Hadrien, votre père, nous aurions pu vous demander d'enjoindre que, selon notre réclamation, il y eût des procédures. Cependant la raison de notre requête est moins ce qu'a ordonné Hadrien que la conviction de la légitimité de notre réclamation. Nous y joignons la copie de la lettre d'Hadrien afin que vous sachiez que nous disons vrai : en voici les termes. »
[8] Et l'écrivain susdit donne le texte latin (voy. 395 l'Appendice) ; nous l'avons, selon notre pouvoir, traduit en grec ainsi qu'il suit :
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ὁ M syr., ὁ καί BD, om. AEBT ; qui Antinoii appellantur, nostris adhuc temporibus instituti, RUFIN. Cf. plus bas, dans la citation de Justin, Ἀντινόου τοῦ νῦν γενομένου. ↩
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Le nom exact du proconsul d'Asie était Q. Licinius Silvanus Granianus Quadronius Proculus ; et celui de son successeur, Minicius Fundanus. Voy. sur ces passages de Justin et les divergences des textes, l'édition des Apologies donnée dans cette collection par M. Pauligny. ↩