7.
Mais quoi ! ajoutez-vous , si cette vierge a besoin de secours, si elle souffre de mauvais traitements? N'est-ce pas quelque chose de bien peu digne de son état? — Il y a quelque chose de plus indigne encore d'une vierge, c'est de s'enrichir et de se jeter dans le tourbillon, les affaires temporelles.
Si elle exige encore quelque chose de plus, comme par exemple prêter à intérêt et qu'elle nous supplie de faire ce commerce, ne serons-nous pas répréhensibles de lui refuser un service qu'elle ira demander ailleurs? — Bien plus, si elle se lance dans des spéculations indignes de sa condition et que, sur notre refus d'y coopérer, elle traite avec des étrangers, ne méritons-nous pas des- reproches? — Nullement, vous serez digne d'éloges; vous ne mériteriez le blâme qu'en rendant vous-même ce coupable service. Vous voulez que nul ne puisse lui enlever ses richesses, ni la dépouiller, conseillez-lui de les déposer dans le ciel, c'est un lieu où elle n'aura pas besoin d'un homme pour veiller à leur conservation. — Si elle veut administrer ses biens. — Pourquoi plaisanter en matière sérieuse? Etre vierge et agir ainsi, c'est jouer un jeu de mort. Quand elle s'expose à toutes ces luttes, et qu'elle se livre à des soins peu dignes d'elle, elle encourt la peine la plus grande, la plus terrible vengeance. N'avez-vous pas entendu la loi posée par Paul, ou plutôt par le Christ parlant par la bouche de Paul, lorsqu'il distingue l'une de l'autre la femme mariée et la vierge chrétienne, pour imposer à celle-ci des obligations particulières? Que celle qui n'est pas mariée, dit-il, pense aux choses du Seigneur, afin qu'elle soit pure et de corps et d'esprit. (I Cor. VII, 34.) Or, cette méditation des choses divines, vous en détournez les vierges par l'assiduité et la servilité des soins dont vous les entourez; attentif à leurs moindres désirs , vous êtes plus complaisant pour elles que des esclaves qu'elles achèteraient de leur argent.
Après cette première objection, sur laquelle vous passez condamnation, vous en faites une seconde et vous dites : pour ce qui est des jeunes filles riches, vous avez raison , nous n'avons rien à répondre; mais celles qui sont dans la misère, jusqu'à être obligées de mendier, quel crime y a-t-il de les en tirer?
Fasse le ciel qu'en les délivrant d'une misère, vous ne les précipitiez pas dans une autre plus terrible ! Si c'est par obéissance pour Celui qui a ordonné de secourir les pauvres, que vous agissez comme vous faites, vous avez une infinité de frères à soulager : la matière ne manquera pas à un si beau zèle; exercez la charité quand vous n'aurez pas à craindre de scandaliser quelqu'un; lorsque l'aumône produit le scandale, elle devient une cruauté et une barbarie. Où donc est l'avantage quand, en nourrissant le corps, vous perdez l'âme? quand, en donnant un vêtement, vous faites soupçonner une nudité plus honteuse que celle que vous cachez? lorsque, en servant les intérêts du corps, vous dissipez les trésors de l'âme? lorsque, en faisant prospérer les biens de la terre, vous compromettez l'héritage céleste? quelle aumône que celle qui insulte à la gloire de Dieu, que celle qui provoque les opprobres, la honte, les injures, les sarcasmes de la part des personnes scandalisées, quelquefois même de la part de celles que vous prétendez servir et soulager. Une telle aumône part non d'une âme compatissante , mais d'un coeur cruel et inhumain. Si vous agissiez par charité et par compassion, vous feriez de même pour tous les hommes indistinctement.