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Mais l'Apôtre, direz-vous, ne nous délivre d'une inquiétude que pour nous plonger dans une autre. — Et moi, je vous assure que s'inquiéter pour le ciel c'est une inquiétude bien douce, de même que souffrir pour Jésus-Christ est une aimable souffrance. Sans doute, nous souffrons, car nous restons hommes; mais l'ardeur de l'esprit surmonte les répugnances de la nature, et nous fait aimer la souffrance: Il est juste de nommer inquiétude l'acquisition pénible d'un bien que peut-être nous ne posséderons jamais, ou du moins dont nous ne jouirons que quelques instants; mais est-il raisonnable d'appeler de ce nom le travail qui nous procure des fruits certains et immortels? Au reste, telle est ici la différence de la paix et du succès, que la possession du ciel nous devient mille fois plus aisée et plus facile que celle de toutes les jouissances de la terre. Il est inutile d'en réitérer la preuve, et il suffit de répéter avec l'Apôtre : Celui qui n'est point marié, s'occupe du soin des choses du Seigneur; et celui qui est marié s'occupe du soin des choses du monde (I Cor. VII, 32, 33). Or, le monde passe, et Dieu est éternel. Cela ne suffit-il pas pour démontrer l'excellence de la virginité, puisqu'elle s'élève au-dessus du mariage autant que Dieu lui-même est supérieur à sa créature? Comment donc l'Apôtre permet-il un état qui nous rive à mille inquiétudes, et nous éloigne du salut? il le permet sans doute, mais il veut que ceux mêmes qui ont des épouses soient comme s'ils n'en avaient.pas, afin que dans tous les temps les époux puissent conserver quelque liberté. Et en effet si le lien conjugal est indissoluble, il n'est point défendu de le rendre moins dur. C'est ce qui arrive quand les époux retranchent généreusement ces mille inquiétudes que notre lâcheté ajoute à celles qui sont inhérentes au mariage.