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Works John Chrysostom (344-407) De sacerdotio libri 1-6

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Traité du Sacerdoce

4.

Que faire donc? Si tu uses de trop d’indulgence là où il faudrait une grande sévérité, et que tu aies peur d’enfoncer le fer dans la plaie qui demande une profonde incision, tu ne traites le mal qu’à demi; mais aussi que tu coupes sans ménagement parce que l’opération est nécessaire, il peut arriver que le malade rebuté par la violence de la douleur perde patience, qu’il rejette brusquement remèdes et appareils, enfin qu’il aille se jeter dans quelque précipice, après avoir brisé le joug et rompu les liens.

J’en pourrais citer beaucoup qui se sont portés aux plus fâcheuses extrémités parce qu’on voulait les soumettre à toute la rigueur des peines que méritaient leurs péchés. Il ne faut pas toujours exiger dans le châtiment une mesure proportionnée à la faute; mais après un mûr examen, s’assurer des dispositions de celui par qui elle a été commise, de peur qu’en voulant réunir ce qui est déchiré tu ne fasses une rupture pire que la première, et qu’avec l’intention louable de relever ce qui est à terre, tu ne le précipites encore plus bas. Les âmes faibles et languissantes, plus particulièrement celles qui sont enlacées dans les plaisirs du siècle, celles que l’orgueil de la naissance ou du pouvoir entretient dans une humeur altière, pourraient, ménagées avec douceur et ramenées peu à peu à faire quelque pieux retour sur elles-mêmes, se corriger sinon totalement du moins en partie, et se dégager ainsi de cette chaîne de maux qui les enveloppe. Vouloir les soumettre brusquement à une discipline sévère, ce serait les priver de ce commencement de conversion. L’âme qu’on a une fois forcée de braver la honte, tombe bientôt dans l’insensibilité; plus de pathétiques exhortations qui la touchent, plus de menaces qui l’ébranlent, plus de bienfaits qui l’attendrissent. Son état est pire que celui de -cette cité que le Prophète maudissait en disant:

Tu t’es fait un front de prostituée, tu regardes effrontément tout le monde. (Jerem., III, 8.)

Cela étant, quelle prudence ne faut-il pas au (575) pasteur, et aussi quelle clairvoyance pour sonder une âme en tous sens et discerner son état. S’il en est qui se retranchent obstinément dans un désespoir furieux et perdent toute confiance de se sauver à cause de l’amertume des remèdes qu’ils ne peuvent souffrir; il en est aussi, qui, parce qu’on n’a pas exigé d’eux une satisfaction eu rapport avec leurs fautes, se laissent aller au relâchement, deviennent beaucoup plus mauvais, et s’enhardissent à pécher toujours plus gravement.

De tout cela, le prêtre ne doit rien laisser inexploré; il faut qu’il recherche tout exactement, et qu’il applique en conséquence le remède dont il dispose, s’il ne veut pas perdre le fruit de ses peines.

Ce n’est pas tout; il faut encore réunir au corps de l’Eglise les membres qui en sont séparés, et que de soins et de peines ne doit-il pas prendre pour cela! Le pasteur de brebis a son troupeau qui le suit partout où il le guide; que des brebis s’écartent du droit chemin, et que, quittant le bon pâturage elles s’en aillent brouter en des endroits stériles et escarpés; il suffit d’un cri plus fort pour ramener et réunir au troupeau la portion qui s’en était séparée: mais cet homme qui a quitté le droit chemin de la foi, qu’il faut de soins au pasteur pour le ramener! que de persévérance! que de patience! Il ne faut pas songer à l’entraîner par la force, à le contraindre par la peur. La persuasion seule peut le ramener à la vérité qu’il a quittée d’abord. Il faut donc au pasteur une âme généreuse qui ne défaille jamais à la peine, qui jamais ne désespère du salut des égarés, qui ne se lasse jamais de penser et de dire : Peut-être que Dieu leur fera connaître un jour la vérité, et les délivrera des filets du démon. (II Timoth. XI, 25.) C’est pourquoi le Seigneur parlant à ses disciples leur dit : Quel est le serviteur prudent et fidèle? (Matth. XXIV, 43.) Qui ne travaille qu’à sa propre perfection ne sert que lui seul. Mais le bien du ministère pastoral s’étend à tout le peuple. Quelqu’un distribue de l’argent aux pauvres, ou bien il vient en aide d’une manière quelconque aux opprimés; c’est là sans doute se rendre utile au prochain; mais il y a entre ce genre de service et ceux qu’il faut attendre du prêtre, autant de différence qu’il en existe entre le corps et l’âme. C’est la raison pour laquelle le divin Maître disait que les soins donnés à son troupeau sont une marque de l’amour qu’on lui porte à lui-même?

BASILE. Tu n’aimes donc pas Jésus-Christ.

CHRYSOSTOME. Si, je l’aime, et je ne cesserai jamais de l’aimer, mais j’ai peur d’offenser celui que j’aime.

BASILE. Voilà une énigme à laquelle je n’entends rien. Jésus-Christ, dis-tu, commande à celui qui l’aime de paître ses brebis; foi, tu refuses de le faire, et pour t’en dispenser tu allègues l’amour que tu portes à Jésus-Christ?

CHRYSOSTOME. Il n’y a pas d’énigme dans mes paroles, elles sont très-claires et très-simples. Sans doute, si j’étais capable d’administrer cette charge comme le veut Jésus-Christ, et que je refusasse de le faire, on devrait se demander ce que signifie mon langage. Mais puisque la faiblesse de mon âme me rend tout à fait inapte à cette administration, qu’y a-t-il d’inexplicable dans ce que je dis? Oui, ce troupeau bien-aimé du Christ, je craindrais, après l’avoir reçu florissant et bien nourri, de le laisser dépérir par mon incurie, et d’irriter ainsi contre moi le Dieu qui l’a aimé jusqu’à se livrer lui-même pour son salut et sa rédemption.

BASILE. Tu plaisantes en parlant de la sorte. Car, situ parlais sérieusement, je ne vois pas comment tu pourrais mieux prouver que j’ai raison de me plaindre, tout en cherchant à calmer mon chagrin. Je savais bien déjà que tu m’avais trompé, trahi; mais la justification que tu as entrepris de faire de ta conduite me l’apprend bien mieux encore, et je comprends parfaitement toute la gravité de la situation où tu m’as engagé. Si tu t’es dérobé à ce grand ministère, bien convaincu que les forces de ton âme ne suffisaient pas pour une si lourde charge, c’était moi qu’il fallait premièrement en éloigner, quand même j’aurais eu le plus grand désir d’y arriver et sans attendre que ma confiance t’eût laissé arbitre de mes intérêts. Mais tu n’as pensé qu’à toi seul; pour moi, tu m’as oublié. Que dis-je? plût à Dieu que tu m’eusses oublié : ce serait à souhaiter; mais tu as toi-même tendu le piége qui m’a fait tomber dans les mains de ceux qui cherchaient à me prendre. Tu n’as pas même la ressource de dire que la voix publique t’a trompé; que c’est elle qui t’a induit à soupçonner en moi quelque grand et rare mérite. Il s’en faut bien que je sois du nombre de ces hommes qui excitent l’admiration et attirent les regards du monde! Et quand on se serait livré à quelque semblable illusion en ma faveur, c’était à toi à faire plus de cas (576) de la vérité, que de l’opinion de la multitude. A la bonne heure, si nos rapports habituels ne t’avaient mis à même de me connaître, tu pourrais dire avec un semblant de raison, qu’en me donnant ton suffrage, tu n’as fait que céder à l’entraînement populaire. Mais s’il n’est personne au monde qui me connaisse plus à fond, pas même ceux à qui je dois le jour et l’éducation, quel discours assez persuasif trouveras-tu pour faire croire à tous ceux qui t’entendront que c’est bien malgré toi que tu m’as poussé dans cette situation périlleuse? Mais brisons là-dessus : je ne te ferai pas de procès pour cela: dis-moi seulement ce que nous pourrons répondre à ceux qui nous accusent tous deux.

CHRYSOSTOME. Je ne m’engagerai pas dans cette question, que je n’aie réfuté pleinement les reproches que tu me fais pour ton propre compte, quand tu me répéterais mille fois que tu me pardonnes. Tu disais tout à l’heure que l’ignorance me ferait trouver moins coupable, que je cesserais même de le paraître, si, te connaissant moins, je t’avais engagé dans la carrière où tu es; au lieu que, t’ayant livré non par ignorance, mais avec une parfaite connaissance de ce qui te concerne, toute excuse raisonnable, toute justification légitime m’est enlevée. Eh bien! moi je dis tout le contraire. Je soutiens que dans une matière aussi grave l’examen ne saurait être trop sérieux : que celui qui veut élever un sujet au sacerdoce ne doit pas s’en rapporter uniquement à la voix publique, mais que, non content de la consulter, il doit encore, il doit, avant tout et par-dessus tout, avoir sondé lui-même les dispositions du candidat. Quand l’Apôtre écrit à Timothée: Il faut encore qu’il ait bon témoignage de ceux qui sont hors de l’Eglise (I Tim. III, 7), il n’entend pas exclure la nécessité d’un examen sévère et rigoureux, et ne donne pas la réputation comme une marque décisive dans l’épreuve qu’il s’agit de faire. Car après avoir énuméré beaucoup d’autres conditions, il ajoute la bonne renommée en dernier lieu, pour montrer non qu’elle doit être considérée seule dans les élections, mais qu’elle ne doit venir qu’après les autres, rien n’étant plus ordinaire que les erreurs de la multitude à cet égard. Quand cet examen scrupuleux a eu lieu préalablement, c’est alors que l’on peut sans danger se fier au suffrage public. C’est pourquoi l’Apôtre fait suivre les autres conditions de l’assentiment des gens du dehors. Car prenons-y garde, il ne dit pas simplement que le sujet doit avoir un bon témoignage, mais il ajoute le mot encore, pour montrer qu’il faut, avant de consulter la renommée, soumettre le sujet à un sévère examen. Donc, puisque je te connaissais plus à fond, même que tes père et mère, comme tu en conviens, la justice exige que je sois renvoyé absous de toute accusation.

BASILE. C’est précisément ce qui te ferait condamner infailliblement, si l’on voulait t’accuser. Est-ce que tu ne te souviens plus d’une chose dont je t’ai parlé souvent, que les faits t’ont mieux apprise encore, je veux dire la faiblesse de mon caractère? Est-ce que tu n’avais pas coutume de me railler sur mon peu d’énergie, et sur la facilité avec laquelle les plus ordinaires difficultés me jettent dans l’abattement?

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Treatise concerning the christian priesthood

4.

What then is one to do? For if you deal too gently with him who needs a severe application of the knife, and do not strike deep into one who requires such treatment, you remove one part of the sore but leave the other: and if on the other hand you make the requisite incision unsparingly, the patient, driven to desperation by his sufferings, will often fling everything away at once, both the remedy and the bandage, and throw himself down headlong, "breaking the yoke and bursting the band." 1 I could tell of many who have run into extreme evils because the due penalty of their sins was exacted. For we ought not, in applying punishment, merely to proportion it to the scale of the offence, but rather to keep in view the disposition of the sinner, lest whilst wishing to mend what is torn, you make the rent worse, and in your zealous endeavors to restore what is fallen, you make the ruin greater. For weak and careless characters, addicted for the most part to the pleasures of the world, and having occasion to be proud on account of birth and position, may yet, if gently and gradually brought to repent of their errors, be delivered, partially at least, if not perfectly, from the evils by which they are possessed: but if any one were to inflict the discipline all at once, he would deprive them of this slight chance of amendment. For when once the soul has been forced to put off shame it lapses into a callous condition, and neither yields to kindly words nor bends to threats, nor is susceptible of gratitude, but becomes far worse than that city which the prophet reproached, saying, "thou hadst the face of a harlot, refusing to be ashamed before all men." 2 Therefore the pastor has need of much discretion, and of a myriad eyes to observe on every side the habit of the soul. For as many are uplifted to pride, and then sink into despair of their salvation, from inability to endure severe remedies, so are there some, who from paying no penalty equivalent to their sins, fall into negligence, and become far worse, and are impelled to greater sins. It behoves the priest therefore to leave none of these things unexamined, but, after a thorough inquiry into all of them, to apply such remedies as he has appositely to each case, lest his zeal prove to be in vain. And not in this matter only, but also in the work of knitting together the severed members of the Church, one can see that he has much to do. For the pastor of sheep has his flock following him, wherever he may lead them: and if any should stray out of the straight path, and, deserting the good pasture, feed in unproductive or rugged places, a loud shout suffices to collect them and bring back to the fold those who have been parted from it: but if a human being wanders away from the right faith, great exertion, perseverance and patience are required; for he cannot be dragged back by force, nor constrained by fear, but must be led back by persuasion to the truth from which he originally swerved. The pastor therefore ought to be of a noble spirit, so as not to despond, or to despair of the salvation of wanderers from the fold, but continually to reason with himself and say, "Peradventure God will give them repentance to the acknowledging of the truth, and that they may recover themselves out of the snare of the devil." 3 Therefore the Lord, when addressing His disciples, said, "Who then is the faithful and wise servant?" 4 For he indeed who disciplines himself compasses only his own advantage, but the benefit of the pastoral function extends to the whole people. And one who dispenses money to the needy, or otherwise succors the oppressed, benefits his neighbors to some extent, but so much less than the priest in proportion as the body is inferior to the soul. Rightly therefore did the Lord say that zeal for the flock was a token of love for Himself.

Basil: But thou thyself--dost thou not love Christ?

Chrysostom: Yea, I love Him, and shall never cease loving Him; but I fear lest I should provoke Him whom I love.

Basil: But what riddle can there be more obscure than this--Christ has commanded him who loves Him to tend His sheep, and yet you say that you decline to tend them because you love Him who gave this command?

Chrysostom: My saying is no riddle, but very intelligible and simple, for if I were well qualified to administer this office, as Christ desired it, and then shunned it, my remark might be open to doubt, but since the infirmity of my spirit renders me useless for this ministry, why does my saying deserve to be called in question? For I fear lest if I took the flock in hand when it was in good condition and well nourished, and then wasted it through my unskilfulness, I should provoke against myself the God who so loved the flock as to give Himself up for their salvation and ransom.

Basil: You speak in jest: for if you were in earnest I know not how you would have proved me to be justly grieved otherwise than by means of these very words whereby you have endeavored to dispel my dejection. I knew indeed before that you had deceived and betrayed me, but much more now, when you have undertaken to clear yourself of my accusations, do I plainly perceive and understand the extent of the evils into which you have led me. For if you withdrew yourself from this ministry because you were conscious that your spirit was not equal to the burden of the task, I ought to have been rescued from it before you, even if I had chanced to have a great desire for it, to say nothing of having confided to you the entire decision of these matters: but as it is, you have looked solely to your own interest and neglected mine. Would indeed you had entirely neglected them; then I should have been well content: but you plotted to facilitate my capture by those who wished to seize me. For you cannot take shelter in the argument that public opinion deceived you and induced you to imagine great and wonderful things concerning me. For I was none of your wonderful and distinguished men, nor, had this been the case, ought you to have preferred public opinion to truth. For if I had never permitted you to enjoy my society, you might have seemed to have a reasonable pretext for being guided in your vote by public report; but if there is no one who has such thorough knowledge of my affairs, if you are acquainted with my character better than my parents and those who brought me up, what argument can you employ which will be convincing enough to persuade your hearers that you did not purposely thrust me into this danger: say, what answer shall I make to your accusers?

Chrysostom: Nay! I will not proceed to those questions until I have resolved such as concern yourself alone, if you were to ask me ten thousand times to dispose of these charges. You said indeed that ignorance would bring me forgiveness, and that I should have been free from all accusation if I had brought you into your present position not knowing anything about you, but that as I did not betray you in ignorance, but was intimately acquainted with your affairs, I was deprived of all reasonable pretext and excuse. But I say precisely the reverse: for in such matters there is need of careful scrutiny, and he who is going to present any one as qualified for the priesthood ought not to be content with public report only, but should also himself, above all and before all, investigate the man's character. For when the blessed Paul says, "He must also have a good report of them which are without," 5 he does not dispense with an exact and rigorous inquiry, nor does he assign to such testimony precedence over the scrutiny required in such cases. For after much previous discourse, he mentioned this additional testimony, proving that one must not be contented with it alone for elections of this kind, but take it into consideration along with the rest. For public report often speaks false; but when careful investigation precedes, no further danger need be apprehended from it. On this account, after the other kinds of evidence he places that which comes from those who are without. For he did not simply say, "he must have a good report," but added the words, "from them which are without," wishing to show that before the report of those without he must be carefully examined. Inasmuch, then, as I myself knew your affairs better than your parents, as you also yourself acknowledged, I might deserve to be released from all blame.

Basil: Nay this is the very reason why you could not escape, if any one chose to indite you. Do you not remember hearing from me, and often learning from my actual conduct, the feebleness of my character? Were you not perpetually taunting me for my pusillanimity, because I was so easily dejected by ordinary cares?


  1. Conf. Jer. v. 5. ↩

  2. Jer. iii. 3. ↩

  3. 2 Tim. ii. 25. ↩

  4. Matt. xxiv. 45. ↩

  5. 1 Tim. iii. 7. ↩

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