5.
Si l’on vient à réfléchir que c’est un mortel, enveloppé dans les liens de la chair et du sang, qui peut ainsi se rapprocher de cette nature bienheureuse et immortelle, on demeurera étonné de la profondeur de ce mystère, en même temps que pénétré de la grandeur du pouvoir que la grâce de l’Esprit-Saint a conféré aux prêtres. C’est par eux que s’accomplissent ces merveilles, et bien d’autres non moins importantes, pour notre salut comme pour notre gloire. Des créatures qui habitent sur la terre, qui ont leur existence attachée à la terre, sont appelées à l’administration des choses du ciel, à l’exercice d’un pouvoir que Dieu n’a donné ni aux anges ni aux archanges! Car ce n’est pas à ceux-ci qu’il a été dit: Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel; ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. (Matth. XVIII, 18.) Les puissants de la terre ont, eux aussi, le pouvoir de lier, mais seulement les corps; le lien dont parle l’évangile est un lien qui saisit l’âme, et qui s’étend jusqu’aux cieux tout ce que font ici-bas les prêtres, Dieu le ratifie là-haut; le Maître confirme la sentence de ses serviteurs.
Il leur a donné pour ainsi dire la toute-puissance dans le ciel. Il dit : Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. (Jean XX, 23.) Est-il un pouvoir plus grand que celui-là? Le Père a donné au Fils tout jugement (Jean V, 22), et je vois le Fils remettre ce même pouvoir tout entier aux mains de ses prêtres. Ne dirait-on pas que Dieu les a d’abord introduits dans le ciel, qu’il les a élevés au-dessus de la nature humaine et délivrés de la servitude de nos passions, pour les revêtir ensuite de cette autorité suprême? Si un roi admettait un de ses sujets à partager sa puissance, et lui accordait le privilège d’emprisonner ou d’élargir qui bon lui semblerait, un tel honneur attirerait à cet homme l’envie et la considération du monde; et celui qui .reçoit de Dieu une puissance aussi supérieure à celle-là que le ciel est supérieur à la terre, et l’âme au corps, n’aura reçu, au jugement de certaines personnes, qu’une dignité médiocre, une dignité telle enfin qu’on pourra soupçonner quelqu’un d’en avoir méprisé l’honneur et le don! Quelle extravagance! Mépriser une fonction sans laquelle il n’y a pas de salut pour nous, ni d’accomplissement des promesses divines! Nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint (Jean III, 5); qui ne mange pas la chair du Seigneur et ne boit pas son sang, est exclu de la vie éternelle. (Jean VI, 54.) Si donc ces bienfaits ne peuvent être conférés que par des mains sanctifiées, conséquemment par celles des prêtres, quel moyen y aurait-il, sans leur ministère, d’éviter le feu de l’enfer, ou de parvenir aux couronnes qui nous sont réservées?