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Works John Chrysostom (344-407) De sacerdotio libri 1-6 Traité du Sacerdoce
LIVRE TROISIÈME

14.

Rien ne trouble la clarté de l’intelligence, rien n’offusque la pénétration de l’esprit, comme la colère, désordonnée, impétueuse. La colère, est-il dit, perd même les sages. (Proverb. XV, 4.) C’est comme un combat de nuit, au milieu duquel la vue obscurcie ne distingue plus les amis des ennemis, ni l’honnête homme de l’homme méprisable; la colère en use avec tout le monde de la même façon; peu lui importe le mal qu’elle se fait à elle-même: elle s’y résout, elle s’en fait une espèce de plaisir qu’il faut satisfaire à tout prix. Oui, cet embrasement du coeur n’est pas sans un certain plaisir, il exerce même sur l’âme une tyrannie plus impérieuse que tout autre plaisir, et c’est pour bouleverser de fond en comble son état normal. La colère entraîne naturellement à sa suite l’orgueil insolent, les inimitiés sans sujet, les haines aveugles, les offenses gratuites: elle dispose constamment aux provocations et aux outrages. Que ne fait-elle pas dire et faire à ceux qu’elle possède. L’âme étourdie de son tumulte, entraînée par sa violence, ne trouve plus un point d’appui pour résister à 4e si violents assauts.

BASILE. Je t’arrête, c’est trop longtemps parler contre ta pensée. Qui ne sait que personne n’est plus exempt que toi de cette maladie?

CHRYSOSTOME. Mais pourquoi, cher ami, m’exposer à ce feu? pourquoi réveiller la bête féroce qui dort? Ne sais-tu pas que je dois ce calme non à ma vertu, mais à mon amour pour la solitude? Quand quelqu’un est enclin à la colère, il faut qu’il vive seul, ou dans la société d’un ou deux amis; par ce moyen il évitera l’incendie qui, au contraire, le dévorera s’il tombe dans l’abîme des soucis d’une grande charge. Et il ne se perdra pas seul; il en entraînera beaucoup d’autres dans le précipice, en les rendant moins attentifs à garder la modération. Les peuples sont disposés naturellement à considérer la conduite de leurs chefs, comme un modèle sur lequel ils cherchent à se former. Comment réussir à calmer dans les autres les effervescences de l’humeur, quand on ne sait pas commander à la sienne? Quel homme du peuple consentira à corriger ses emportements, en voyant son évêque qui s’emporte? Sa dignité qui l’expose à tous les regards, ne permet pas qu’aucun de ses vices demeure caché: les plus petits sont bien vite publiés. L’athlète qui’ reste chez lui, qui ne lutte avec personne cache aisément sa faiblesse; mais quand il se dépouille de ses vêtements et descend dans l’arène, on voit promptement ce qu’il est. De même les hommes qui vivent dans la retraite et loin des affaires peuvent étendre sur leurs vices le voile de la solitu4e. Sont-ils introduits dans le monde? les voilà obligés de quitter le manteau qui les recouvrait, je veux dire la solitude, et de montrer leur âme à nu dans les agitations du siècle.

Autant les bons exemples servent à enflammer la sainte émulation de la vertu, autant les mauvais contribuent à répandre parmi les peuples le relâchement et la négligence dans l’observation du devoir. Il faut donc au prêtre une âme toute rayonnante de beauté dont la lumière éclaire et réjouisse les âmes de ceux qui ont les yeux tournés vers lui. Les fautes es hommes vulgaires restent ensevelies dans 1’ombre et ne préjudicient qu’à ceux qui les commettent. Le scandale d’un homme haut placé dans le monde et exposé à tous les regards est une sorte de fléau public, tant parce qu’il autorise la tiédeur de ceux qui s’effrayent des rudes exercices de la vertu, que parce qu’il décourage ceux mêmes qui voudraient mener une vie meilleure. Ajoutez à cela que les fautes es particuliers, lors même qu’elles sont connues, n’ont pas une influence bien dangereuse sur les dispositions des autres; mais le prêtre, rien de ce qu’il fait ne reste caché, et chacune de ses actions, indifférente en soi, prend dans l’opinion un caractère sérieux. On mesure les torts moins par la gravité du délit que par le rang de celui qui le commet. Que le prêtre (588) donc se revête pour ainsi dire d’un zèle soutenu, d’une continuelle vigilance sur lui-même, comme d’une armure de diamant qui ne laisse aucun endroit faible et découvert, par où l’on puisse lui porter le coup mortel. Tout ce qui l’entoure ne demande qu’à le frapper et à l’abattre, non-seulement ses ennemis déclarés, mais encore ceux qui font semblant d’être ses amis.

Il faut choisir, pour le sacerdoce, des âmes semblables aux corps des trois jeunes gens, que la grâce divine rendit invulnérables au milieu de la fournaise de Babylone. Le feu dont ils sont menacés ne s’alimente pas de sarment, de poix, ni d’étoupes, mais de matières plus dangereuses; c’est un feu qui ne se voit pas, c’est le feu de l’envie qui enveloppe le prêtre de ses flammes dévorantes, flammes qui se dressent, s’étendent, se jettent sur sa vie, et la pénètrent tout entière avec une activité que n’eut jamais le feu matériel contre les corps des trois jeunes gens. Dès que l’envie trouve un brin de matière combustible, sa flamme s’y attache aussitôt, et consume cette partie défectueuse; quant au reste de l’édifice, fût-il plus éclatant que les rayons du soleil, elle l’endommage encore par sa fumée et le noircit complètement. Tant que la vie d’un prêtre est dans un parfait accord avec la règle de ses devoirs, il n’a rien à craindre des piéges de ses ennemis. Qu’une seule irrégularité, si petite qu’elle soit, échappe à son attention (et cependant quoi de plus pardonnable, puisqu’il est homme, et qu’il traverse cette mer semée d’écueils qui s’appelle la vie); voilà que toutes ses vertus ne lui servent plus de rien contre les langues de ses accusateurs; un rien ternit toute sa vie. Tout le monde juge le prêtre, et on le juge comme s’il n’était plus dans sa chair, comme s’il n’était pas pétri du limon commun, comme s’il était un ange affranchi de toutes les faiblesses de l’homme.

Tant qu’un tyran est fort, on le craint, on le flatte, ne pouvant le renverser; ses affaires déclinent-elles, adieu les respects simulés; ceux qui la veille encore se disaient ses partisans, se déclarent tout à coup contre lui et lui font la guerre : ils recherchent les endroits vulnérables de sa puissance, en sapent les fondements, et enfin la détruisent. C’est aussi ce qui arrive à un évêque; à peine ceux qui l’entouraient de leurs hommages et de leurs flatteries, lorsqu’ils le croyaient solidement établi, l’ont-ils vu ébranlé, même légèrement, que saisissant l’occasion, ils se mettent à travailler de concert et de toutes leurs forces à le faire tomber comme un tyran, comme quelque chose de pire. Le tyran craint ses gardes du corps; l’évêque lui aussi est réduit à redouter ceux qui l’approchent de plus près. Ce sont eux qui convoitent sa place, eux qui connaissent le mieux sa vie et ses affaires. Témoins journaliers de ses actions, ils sont les premiers à saisir la moindre faute qui lui échappe, ils peuvent facilement accréditer même leurs calomnies, faire passer pour grave ce qui est léger, et perdre ainsi leur évêque qui succombe victime de leurs mensonges. C’est le renversement de la parole de l’Apôtre : Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui; si un membre est glorifié, tous les membres sont dans la joie. (I Cor. XII, 28.) Contre de tels assauts il n’y a de ressources que dans une piété à toute épreuve.

Voilà dans quelle guerre tu veux que je m’engage. Voilà la mêlée terrible dans laquelle tu me crois capable de me défendre. Qui te l’a dit? Si c’est Dieu, montre-moi ton oracle et je me soumets. Si tu n’en as pas d’autre que la vaine opinion des hommes, désabuse-toi. Dans une cause qui m’est si fort personnelle, ne trouve pas mauvais que je défère à mon sentiment plutôt qu’à celui des autres; car, dit l’Apôtre, personne ne connaît mieux ce qui est dans l’homme que l’esprit de l’homme. (I Cor. II, 11)

Je crois en avoir dit assez pour te persuader, au cas que tu en aies jamais douté, combien je me serais exposé au ridicule, moi et ceux qui m’avaient élu, si, après avoir accepté l’épiscopat, je m’étais vu ensuite forcé de reprendre mon premier état de vie.

Outre l’envie, il y a encore une autre passion plus violente, qui arme beaucoup d’hommes contre un évêque, c’est la convoitise qu’excite cette dignité. Comme il y a des fils ambitieux qu’afflige la longue vie de leurs pères, il y a aussi des hommes à qui la durée d’un long règne épiscopal cause une impatience extraordinaire, N’osant pas attenter aux jours du titulaire, ils travaillent à sa déposition avec d’autant plus d’ardeur que chacun aspire à le remplacer, que chacun espère que le choix tombera sur lui.

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Translations of this Work
Traité du Sacerdoce
Treatise concerning the christian priesthood Compare
Über das Priestertum (BKV) Compare
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Einleitung Über das Priestertum
Introduction to the treatise on the priesthood

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