2.
Il faut donc ici une âme fortement trempée, bien supérieure à la faiblesse que je trouve eu moi, qui puisse mettre un frein à cette passion de la multitude pour un plaisir infructueux, et diriger son intention vers un objet plus utile. C’est ainsi que l’orateur de la chaire, au lieu d’être lui-même le trop facile jouet des caprices de la foule, marchera comme un chef et un guide à la tête de son peuple docile à le suivre. Or, ce résultat ne peut s’obtenir qu’à deux conditions : le mépris des louanges, et le talent de la parole.
L’absence d’une de ces deux choses rend l’autre inutile. Si, au mépris des louanges, le prédicateur ne joint pas le talent d’instruire avec une parole assaisonnée de grâce et de sel, il succombe infailliblement sous le dédain de la multitude, sans que sa grandeur d’âme le puisse sauver. Si au contraire il a tout ce qu’il faut sous le rapport du talent, mais que la faveur populaire le domine au point qu’il en soit l’esclave, le préjudice est toujours le même pour lui comme pour le peuple, parce que, dans ses discours, il se propose de plaire plutôt que d’être utile à ses auditeurs: tant la soif des louanges le tourmente et l’égare. Voici un homme qui, à la vérité, est insensible aux caresses de la renommée; mais il ne sait point parler, que fera-t-il? il ne cèdera point aux caprices de la multitude, c’est vrai, mais à quoi servira cette magnanimité, s’il ne peut être d’aucune utilité au peuple, par l’impuissance où il se trouve de rien dire? En voici un autre qui possède le talent nécessaire pour rendre les hommes meilleurs, mais il a le malheur de ne pouvoir résister à l’amour de la louange, qu’arrive-t-il? sinon qu’il songe plus à plaire à son auditoire qu’à le sauver, et cela parce que les applaudissements, en éclatant autour de lui, flattent trop doucement ses oreilles.