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Works John Chrysostom (344-407) De sacerdotio libri 1-6 Traité du Sacerdoce
LIVRE SIXIÈME

12.

Dieu peut-il nous montrer d’une manière plus frappante, qu’il exige une peine plus sévère de celui qui gouverne que de ceux qui sont gouvernés?

Assurément Dieu qui, à cause du père, punit la fille plus sévèrement que les autres, ne traitera point comme un simple particulier ce père lui-même qui cause à sa fille un surcroît de tourments. Non; son châtiment sera beaucoup plus terrible. Et rien de plus juste; car le préjudice de son péché ne retombe pas seulement sur lui, mais encore sur les âmes faibles qui sont témoins de sa mauvaise conduite. C’est ce qu’Ezéchiel veut nous apprendre lorsqu’il sépare le jugement des béliers du jugement des brebis. (Ezech. XXXIV, 17.)

Penses-tu maintenant que mes plaintes aient eu quelque chose d’exagéré?

Après tout ce que j’ai déjà dit, il me reste encore à t’ouvrir mon coeur; tu seras témoin des efforts que je suis obligé de faire pour ne pas me laisser vaincre entièrement par mes passions. J’avoue, toutefois, que ce travail n’est pas au-dessus de mes forces, et que je ne songe nullement à fuir devant l’ennemi que je combats.

La vaine gloire s’empare de moi au moment même où je te parle; puis tout à coup j’échappe à ses prises, et, redevenu sage, je me reproche de m’être laissé prendre, je réprimande mon âme un instant asservie. Des désirs déréglés assaillent mon âme; mais ils n’allument qu’un feu languissant et facile à s’éteindre, parce que les yeux du corps, en s’ouvrant, ne trouvent pour l’alimenter aucune matière inflammable. Pour ce qui est de médire ou de prêter l’oreille à la médisance, j’en suis entièrement préservé, puisque je n’ai personne avec qui m’entretenir : ces murs peuvent-ils parler?

Il n’en est pas de même de la colère, je ne puis l’éviter, bien qu’il n’y ait personne ici pour me fâcher. Un souvenir qui me revient et me rappelle certains personnages aussi absurdes que leurs oeuvres, suffit pour me faire gonfler le coeur, sans toutefois qu’il aille jusqu’à éclater:

vite je m’efforce de le ramener de cette effervescence à son calme ordinaire, je lui persuade de s’apaiser, en disant en moi-même qu’il est par trop déraisonnable et que c’est se rendre malheureux à plaisir, d’oublier ses propres maux pour prendre de ceux du prochain un souci inutile; mais si j’étais dans le monde, occupé de mille tracas, je n’entendrais plus les avis de cette voix intime, je ne jouirais plus (620) de ses conseils qui m’instruisent et me guident. Semblable à ceux que la violence d’un torrent ou bien une force quelconque a poussés dans un précipice, et qui peuvent prévoir la fin terrible à laquelle aboutira leur chute, sans toutefois apercevoir de secours nulle part, si j’étais une fois tombé dans le tumulte des passions, je pourrais voir tous les jours croître la somme des supplices qui m’attendent; mais, rentrer en moi-même, comme je le fais maintenant, et repousser de toutes parts les attaques furieuses des passions, je ne le pourrais plus aussi facilement qu’auparavant. En effet, j’ai l’âme faible, étroite, presque sans défense non-seulement contre les passions dont je viens de parler, mais surtout contre la plus amère de toutes, l’envie; ni les injures, ni les distinctions, je ne sais rien prendre avec modération, les unes m’élèvent, les autres me rabaissent outre mesure. Les bêtes féroces bien nourries et fringantes terrassent aisément ceux qui combattent contre elles, surtout lorsqu’ils ne sont ni forts ni adroits; mais affaiblissez-les par le défaut de nourriture, bientôt leur ardeur s’éteint, bientôt leur vigueur languit, et, sans être bien robuste, un homme pourra les combattre et les vaincre : la même chose a lieu pour les passions de l’âme; exténuez ces bêtes par le défaut d’aliment, vous les tiendrez facilement courbées sous le joug de la raison : si, au contraire, vous les nourrissez trop bien, difficilement pourrez-vous soutenir leur impétuosité; vous les rendrez si terribles contre vous-même que vous passerez toute votre vie dans la servitude et dans la crainte.

Quel est donc l’aliment de ces monstres? La vaine gloire se repaît de distinction et de louanges; l’orgueil, de pouvoir et de hautes dignités; l’envie, de la réputation d’autrui; l’avarice, de libéralités et de largesses; la luxure, de mollesse et de rencontres continuelles avec les femmes; ainsi des autres. Que je m’engage dans le monde, voilà ces animaux féroces déchaînés contre moi, ils déchirent mon coeur devenu leur proie, je suis jeté dans une situation terrible, et engagé dans une guerre bien trop formidable pour moi. Je sais qu’en. restant dans ma solitude, il me faudra encore de grands efforts pour les dompter; pourtant je les dompterai, avec la grâce de Dieu, et il ne leur restera que la liberté de hurler.

Voilà pourquoi je garde ma cellule, n’en permettant l’entrée à personne, ne vivant, ne communiquant avec personne, résolu à souffrir tous les reproches que cette conduite peut m’attirer; je serais heureux de faire cesser ces reproches, mais la chose étant impossible, tout ce que je puis faire, c’est de m’en affliger et d’en gémir. Le moyen d’être à la fois répandu dans les sociétés, et de conserver la sûre retraite dont je jouis présentement? Ainsi, mon ami, au lieu de me blâmer, plains-moi plutôt dans la situation critique où je me trouve.

Pourtant je vois que tu n’es pas encore persuadé. C’est donc le moment de te communiquer le seul secret qui me reste. Ce que je vais dire pourra paraître incroyable à plusieurs; quoi qu’il en soit, je ne rougirai pas de le publier hautement, dût cet aveu être pris pour la marque d’une mauvaise conscience et le signe d’une âme chargée de nombreux péchés. Dieu qui doit me juger étant instruit exactement de tout, quel profit retirerai-je de l’ignorance des hommes?

Quel est donc ce secret? Depuis le jour où, informé par toi des vues que l’on avait sur nous, je commençai à craindre d’être élevé au sacerdoce, plusieurs fois j’ai senti mon corps sur le point de défaillir complètement: tels étaient la frayeur et l’abattement qui dominaient mon âme! Je me représentais, d’un côté la gloire de l’Epouse de Jésus-Christ, sa sainteté, sa beauté spirituelle, son admirable sagesse et l’éclat de sa parure divine; de l’autre, je voyais ma misère, et cette comparaison m’arrachait des larmes sur son malheur et sur le mien; je soupirais sans cesse, et, en proie à une perplexité cruelle, je disais: Qui donc a pu conseiller pareille chose ? Quel si grand crime l’Eglise de Dieu a-t-elle commis? En quoi a-t-elle donc offensé si grièvement son Seigneur, qu’il la condamne à la honte d’être livrée au plus indigne des hommes? Préoccupé de ces réflexions, ne pouvant même supporter la pensée d’une chose si étrange, j’étais comme un homme frappé d’une paralysie soudaine, la bouche béante, ne pouvant ni voir ni entendre. Je ne sortais de cet étourdissement, qui passait par intervalles, que pour me noyer de nouveau dans la tristesse et dans les larmes; quand j’étais rassasié de pleurs, revenait la frayeur, agitant, troublant, bouleversant mon âme. J’essuyais les coups de cette horrible tempête et tu n’en savais rien! et tu me croyais dans le calme le plus profond! C’est (621) pourquoi j’essaierai de te découvrir entièrement les orages de mon coeur, peut-être seras-tu plus disposé à me pardonner qu’à m’accuser. Mais comment te les découvrir? Pour les montrer tels qu’ils sont, il n’y aurait qu’un moyen:

ce serait de dépouiller ce coeur lui-même de toute enveloppe et de le mettre sous tes yeux. Commue cela n’est pas possible, je tâcherai, selon mon pouvoir, de te montrer, à travers le voile obscur d’une comparaison, la fumée de ce foyer de tristesse qui est en moi; à l’aide de cette allégorie, tu chercheras à te faire une idée de ma tristesse, seulement de ma tristesse.

Supposons qu’on destine à quelqu’un, pour épouse, la fille d’un monarque maître de toutes les terres qu’éclairent les rayons du soleil qu’elle soit d’une beauté incomparable, supérieure à ce que l’humaine nature peut produire de plus accompli, et l’emportant de beaucoup par ses attraits, sur tout ce qu’il y a de femmes au monde; qu’elle ait d’ailleurs une âme infiniment plus parfaite que celle d’aucun homme des temps passés, présents et à venir; en un mot, que par ses moeurs elle surpasse toutes les perfections morales rêvées par les sages, en même temps que l’éclat de sa figure éclipsera toute beauté corporelle imaginable; que le prince qui doit l’épouser brûle d’amour pour elle, que même il ait conçu une telle passion, que les amants les plus enflammés ne puissent lui être comparés; qu’en de pareilles circonstances il vienne à savoir que la princesse admirable qui possède son coeur, le mariage va la faire passer dans les bras d’un homme de rien, et de la lie du peuple, sans naissance et tout contrefait, en un mot le dernier des hommes. Eh bien! t’ai-je donné quelque idée de ma douleur, et suffit-il d’avoir poussé la comparaison jusque-là? Je pense que c’en est assez pour te faire comprendre ma tristesse du moins; car c’est seulement cette face de ma désastreuse position que j’ai voulu te montrer par cette similitude.

Maintenant, afin que tu voies la mesure de ma frayeur et de ma stupéfaction, représentons-nous un autre tableau.

Figurons-nous une armée composée de fantassins, de cavaliers et de marins; la mer a disparu sous la multitude des vaisseaux, les vastes plaines et les hautes montagnes sont également couvertes de phalanges d’infanterie et de cavalerie; l’acier des armes réfléchit les feux du soleil, dont les rayons, tombant sur les casques et sur les boucliers, les font briller d’un éclat éblouissant; le cliquetis des armes et le hennissement des chevaux retentissent jusqu’au ciel; on ne voit plus ni mer ni terre, mais le fer et l’airain partout. En face de cette armée sont rangés en bataille les ennemis, hommes féroces et avides de carnage; ces masses vont s’entrechoquer.

Dans ce moment on enlève un jeune garçon naïf qui a été élevé dans les champs, qui ne connaît rien que le chalumeau et la boulette; on l’arme de pied en cap; on lui fait passer l’armée en revue; on lui en montre les différentes compagnies avec leurs commandants; les archers, les frondeurs, les taxiarques, les généraux, les oplites, les cavaliers, les gens de traits; les trirèmes avec leurs triérarques, les soldats qui les montent, et le nombre des machines qu’elles portent: on lui montre encore tout le plan de bataille des ennemis; l’étrangeté de leurs figures, la variété de leurs armures; leur multitude infinie, campée dans des fondrières, dans d’immenses précipices et derrière des montagnes inaccessibles; on lui montre encore, du côté des ennemis, des chevaux ailés et des combattants qui voyagent dans les airs par des moyens magiques, et qui disposent d’enchantements aussi variés que puissants. On lui énumère ensuite tous les accidents de la guerre : une grêle de traits, une nuée de javelots; un déluge de flèches qui interceptent les rayons du soleil, et changent la clarté du jour en une nuit profonde; une poussière épaisse non moins incommode que les ténèbres; des torrents de sang; les gémissements des mourants; les cris des combattants; des monceaux de morts, les roues des chariots baignant dans le sang; les chevaux que la multitude des cadavres fait trébucher et tomber sur leurs cavaliers; sur la terre un affreux pêle-mêle : du sang, des arcs, des flèches, des sabots de chevaux et des têtes d’hommes gisant à côté les uns des autres; des bras, des cous, des jambes, des poitrines entr’ouvertes, des cervelles collées aux glaives, un oeil fixé à la pointe d’une flèche brisée. On ajoute à cette peinture les horreurs d’une bataille navale des navires brûlant au milieu des eaux; d’autres coulant à fond avec leurs défenseurs; le bruissement des vagues; le tumulte des matelots; le cri des soldats; l’écume des flots mêlée de sang qui entre dans les vaisseaux; ici des cadavres étendus sur le tillac; là, des corps (622) submergés ou qui flottent sur les eaux, ou que la mer rejette sur la rive; la marche des vaisseaux arrêtée par la masse énorme des corps morts. Au spectacle de tant de scènes tragiques, on ajoute le récit des maux dont la guerre est suivie, la captivité et l’esclavage pires que la mort. Après cela on ordonne au jeune garçon de monter à cheval et de prendre à l’instant le commandement de l’armée; crois-tu qu’il ne sera pas épouvanté par le seul récit qu’on lui fera, et qu’il ne sentira pas défaillir son coeur au premier moment?

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Traité du Sacerdoce
Treatise concerning the christian priesthood Compare
Über das Priestertum (BKV) Compare
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Einleitung Über das Priestertum
Introduction to the treatise on the priesthood

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