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Works John Chrysostom (344-407) In Matthaeum homiliae I-XC Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu
HOMÉLIE LXXX

4.

C’est pourquoi le Sage a dit qu’il n’y a rien de plus injuste qu’un avare. Car l’avare est son ennemi à lui-même, et il est l’ennemi commun de tous les hommes. Il voit avec peine que la terre ne porte pas des épis d’or; que l’or ne coule pas dans les rivières, et que les montagnes ne produisent pas des rochers d’or. Quand les saisons sont bonnes, il les croit mauvaises, et la prospérité publique fait son affliction particulière. Lorsqu’il se présente une occasion d’agir, qui ne lui doit rien valoir, il est tout de glace ; mais lorsqu’il y a deux oboles à gagner, il court et il vole, et il est infatigable dans le travail. Il hait tous les hommes, soit pauvres ou riches: les pauvres, de peur qu’ils ne lui demandent quelque chose de ce qu’il a, et les riches, parce qu’il ne possède pas tout ce qu’ils ont. Il croit que tout ce qui est aux autres devrait être à lui. Ainsi il hait tous les hommes, comme s’ils lui ravissaient tout ce qu’ils ont et ce qu’il n’a pas. Il amasse toujours, et il n’est jamais content. Il s’enrichit toujours, et il est toujours pauvre et misérable, comme celui qui aime Dieu et qui n’aime point l’argent est toujours heureux. Car rien n’est comparable au bonheur d’un homme juste, qu’il soit esclave ou qu’il soit libre. Il n’y a personne sur la terre qui lui puisse nuire. Quand tous les peuples s’armeraient contre lui, il. demeurerait inaccessible et inviolable à tous leurs efforts. L’avare au contraire n’est jamais en sécurité. Quand il serait roi, quand il porterait cent couronnes, ce qu’il aime est toujours exposé aux insultes et à la violence du dernier des hommes. Tant il est vrai que la malice est toujours faible, et que la vertu est toute-puissante.

Pourquoi donc vous affligez-vous d’être pauvre? Pourquoi faites-vous votre malheur de ce qui devrait vous être un sujet de joie? Pourquoi vous laissez-vous abattre lorsque vous devriez vous réjouir comme dans une fête solennelle? Car la pauvreté, lorsqu’on la ménage sagement, est véritablement comme un jour de fête. Pourquoi pleurez-vous comme de petits enfants, puisqu’on ne peut mieux appeler ceux qui s’affligent d’être pauvres? Quelqu’un vous a-t-il maltraité? En quoi consiste l’injure qu’il vous a faite, puisqu’il vous a donné moyen au contraire de vous rendre plus fort que vous n’étiez? Vous a-t-il ravi votre bien? Il a fait en cela la même chose que s’il vous avait déchargé d’un fardeau dont la pesanteur vous (22) accablait. Vous a-t-il noirci de calomnies? Les païens mêmes vous apprendront que ce mal n’est que dans la pensée, et que si votre esprit le repousse, vous n’en recevrez aucune atteinte.

Peut-être vous a-t-on pris une maison magnifique avec les vastes jardins qui l’entourent. Mais ne jouissez-vous pas de toutes les beautés de la terre et de la nature? N’avez-vous pas des édifices publics qui peuvent satisfaire tout ensemble et la nécessité et le divertissement honnête? Qu’y a-t-il de plus beau que de voir le ciel, avec le soleil et les étoiles? Jusqu’à quand voulons-nous demeurer dans notre bassesse et dans notre indigence ordinaire? On ne peut être riche, quand on est pauvre au dedans de soi: comme on ne peut être pauvre lorsqu’on est riche dans le fond du coeur. Si l’âme est la plus excellente partie de l’homme, c’est d’elle-même que son bonheur doit venir, et non de ce qui est au-dessous d’elle. Il faut que ce qui est le principal dans l’homme, gouverne souverainement tout le reste comme lui étant assujetti. Quand le coeur est attaqué, tout le corps en souffre; et la langueur de cette partie principale produit dans tout le reste des membres une indisposition universelle. Lorsqu’au contraire le coeur est sain, sa santé se communique à tout le corps, et elle le rétablit aisément quand quelqu’un de ses membres serait malade.

Mais, pour m’expliquer par une comparaison encore plus sensible, je vous demande ce que peut servir à un arbre d’avoir des .branches vertes, lorsque la racine est gâtée? ou en quoi peut lui nuire d’avoir ses branches toutes sèches comme elles sont en hiver, lorsque la racine est forte et vigoureuse? Je vous dis de même : Que vous servira votre or et votre argent, si vous êtes pauvre au dedans de vous? et en quoi vous nuira d’être pauvre, si vous avez un trésor dans le fond du coeur? Ce sera alors au contraire que vous serez vraiment riche. Car si la vraie marque d’un homme riche, comme nous avons déjà dit souvent, c’est de mépriser l’argent et de n’avoir besoin de rien; la marque au contraire d’un homme pauvre est de chercher toujours du bien, et de n’être jamais content. Or, il est certain qu’étant pauvre, on méprise plus aisément les richesses, et que ce sont les riches au contraire qui cherchent et qui amassent toujours, et qui ne mettent point de bornes à leur avidité insatiable. Ainsi un homme tempérant se contente de boire peu, mais celui qui aime le vin boit sans cesse, et ne peut étancher sa soif.

Car cette passion pour l’argent ne s’éteint pas en la contentant. Au contraire, elle s’irrite encore davantage, comme le feu s’enflamme de plus en plus à mesure qu’on y met du bois. Puis donc que celui qui cherche et qui désire toujours est le plus pauvre; puisque le riche est dans cet état, c’est lui sans doute qui est vraiment pauvre. Ainsi vous voyez, mes frères, qu’il y a des richesses de nom qui sont une véritable pauvreté : comme il y a une pauvreté de nom qui renferme les vraies richesses.

Mais considérons, et supposons deux hommes, dont l’un a mille talents, et l’autre dix, qui perdent tous deux ce qu’ils ont par une injustice et une violence étrangère; lequel des deux sera le plus affligé de la perte qu’il a faite? Tout le monde ne voit-il pas que c’est celui qui a perdu dix mille talents? N’est-il pas vrai aussi qu’il ne s’affligerait pas plus que l’autre de cette perte, s’il n’aimait plus l’argent que lui? Ce grand amour marque en même temps qu’il avait plus de désir pour l’argent que l’autre; et que, par une suite nécessaire, il était aussi plus pauvre; puisque nous ne désirons les choses que selon le besoin que nous en avons. Tout désir tire son principe du besoin et de l’indigence. Lorsque nous sommes contents, nous n’avons plus de désirs. Ainsi un homme sent la soif avant que de boire, et il ne la sent plus lorsqu’il a bu.

Je vous ai dit ceci, mes frères, pour vous faire voir que si nous veillons sur nous, personne ne nous pourra nuire, et que ce n’est point en effet la pauvreté, mais notre peu de vertu qui nous nuit, et qui est la seule cause de notre perte. C’est pourquoi je vous conjure de combattre de toute votre force contre l’avarice, et de la bannir de votre coeur, afin que vous puissiez être vraiment riches, et dans ce monde et dans l’autre, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (23)

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