6.
Quoi! les mages font un voyage si pénible avant que d’avoir vu Jésus-Christ, et vous ne voulez pas les imiter après même que vous l’avez vu? Vous le quittez aussitôt pour courir aux spectacles, car je ne crains pas de vous parler encore sur ce sujet. Vous quittez Jésus-Christ que vous voyez dans cette crèche, pour aller voir des femmes impudiques sur le théâtre. Quels supplices sont assez grands pour punir un si grand excès? Dites-moi, je vous prie, si quelqu’un vous offrait de vous mener au palais du roi, et de vous le faire voir sur son trône, aimeriez-vous mieux alors aller au théâtre? D’ailleurs que gagnez-vous à ces spectacles? Ici au contraire vous trouvez une source de feu, source spirituelle qui jaillit de l’autel. Et néanmoins vous ne craignez point de la quitter pour courir au théâtre, voir des femmes qui nagent, et pour être témoins de cette infamie publique, dont on déshonore la nature?
Jésus-Christ est ici présent, il est assis proche de cette fontaine céleste, pour parler non à une femme seule, comme autrefois à la Samaritaine, mais à tout-un peuple. Et peut-être qu’il n’y est que pour une personne seule, puisqu’on ne se met point en peine de le venir voir. Quelques-uns viennent, mais de corps seulement, et les autres ne viennent pas même de cette manière. Cependant Jésus-Christ ne se retire point; il demeure, et ne cesse point de nous demander à boire, non de l’eau, mais notre sanctification dont il est altéré. Car il est ici pour donner aux saints les choses saintes. Il ne nous présente point de cette divine source, une eau corruptible à boire, mais son sang vivant, qui est en même temps le symbole de sa mort, et la cause de notre vie.
Cependant vous quittez cette source de sang divin, et ce breuvage terrible, pour voir dans une même eau une prostituée qui nage, et votre âme qui se noie et périt malheureusement. Car cette eau est une mer d’impudicité, où se perdent tous les jours non les corps, mais les âmes. Ces femmes se jouent dans ces eaux, et vous périssez en les regardant. Ce sont là les piéges du démon. Il submerge dans ces eaux, non-seulement ceux qui y descendent, mais encore plus ceux qui sont au-dessus pour voir ce spectacle. Ils périssent là plus cruellement, qu’autrefois Pharaon dans la mer Rouge, « lorsque les chevaux et les cavaliers, » comme dit l’Ecriture, « furent ensevelis dans les eaux. » (Exod. XV, 1.) Si les âmes étaient visibles, je vous les ferais voir mortes sur les eaux, comme on y vit alors les corps des Egyptiens.
Mais ce qui est plus déplorable, c’est qu’on fait passer cette peste pour un divertissement, et qu’on appelle cet abîme de perdition, une mer de volupté,. On se sauvera plus aisément de four les écueils de la-mer Egée et de la mer Tyrrhénienne, que des périls de ces spectacles. Le démon d’abord inquiète les esprits toute la nuit par l’attente ; puis leur faisant voir ce qu’ils avaient tant désiré, il les enchaîne et les emmène tomme ses captifs. Ne croyez pas que vous soyez sans crime, parce que vous n’avez point approché de ces personnes infâmes. Tout le mal a été consommé dans la disposition de la volonté. Si l’impureté vous possédait déjà, vous avez mis de l’huile dans sa flamme. Que si vous avez-pu voir ces choses sans en recevoir de l’impression, vous en êtes encore plus coupable, parce que vous êtes devenu un sujet de scandale et de chute pour les autres, en les invitant à ces spectacles par votre exemple, et en y souillant en même temps vos yeux et votre âme.
Mais ce n’est pas assez de vous avoir montré vos plaies. Voyons maintenant le moyen de les guérir. Où chercherons-nous des remèdes à ce mal? Je veux vous renvoyer aujourd’hui à vos femmes, afin qu’elles vous instruisent elles-mêmes, au lieu que. selon saint Paul, vous devriez être leurs maîtres. Mais puisque le péché a renversé cet ordre, et que le corps a pris le dessus, et la tête le dessous, usons au moins de cette voie pour rétablir toutes choses. Que si vous rougissez d’être le disciple de votre (59) femme, cessez de pécher, et vous remonterez bientôt sur ce trône où Dieu vous a mis d’a bord. Tant que vous serez l’esclave du péché l’Ecriture vous renverra pour vous instruire1 non-seulement à vos femmes, mais même aux plus viles d’entre les bêtes. En effet, l’Ecriture ne craint pas d’envoyer l’homme quoique honoré de la raison, à l’école de la fourmi. S’il y a du désordre en cela, ce n’est pas la faute de l’Ecriture, mais de l’homme qui a dégénéré de sa grandeur.
C’est donc pour suivre cet exemple que nous vous rendons les disciples de vos femmes; et si vous méprisez leurs instructions, nous vous renverrons à l’école même des bêtes; et nous vous ferons voir combien d’animaux dans l’air, sur la mer et sur la terre, sont beaucoup plus chastes et réservés que vous n’êtes. Si cette comparaison vous fait rougir, rentrez en vous-mêmes, et que le souvenir de ce que vous êtes, que la frayeur de cet abîme de l’enfer, et de ce fleuve de feu, vous fasse renoncer pour jamais aux eaux meurtrières du théâtre. Car c’est cette eau qui précipite dans l’enfer, et qui allume ce feu qui ne s’éteindra jamais.