2.
Voyez-vous que de grâces il nous a accordées? Ne doutez donc point de l'avenir; car l'apôtre nous fait assez voir la Providence quand il nous parle de préfiguration. En effet, les hommes changent d'opinion d'après les événements; mais les pensées de Dieu et ses dispositions à notre égard sont anciennes. L'apôtre. dit donc : « Et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés ». Il les a justifiés par la régénération du baptême. « Et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés (30) ». Il les a glorifiés par la grâce, par l'adoption. « Que dirons-nous donc après cela? » C'est comme s'il disait : Ne me parlez donc plus de périls, ni d'embûches dressées de toutes parts. Si quelques-uns doutent encore de l'avenir, au moins ne peuvent-ils nier les bienfaits déjà accordés, par exemple l'amour de Dieu pour nous, la justification, la gloire. Or il a accordé tout cela par des moyens qui semblaient fâcheux ; ce que vous regardiez comme un opprobre, la croix; la flagellation, les chaînes, c'est ce qui a restauré l'univers entier. Comme donc c'est par ses souffrances, en apparence si tristes, qu'il a procuré la liberté et le salut à tout le genre humain ; ainsi en agit-il avec vos propres souffrances, en les faisant tourner à votre gloire et à votre honneur. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous (31) ? »
Et qui n'est pas contre nous? dira-t-on. Nous axons contre nous le monde entier, les tyrans, les peuples, nos parents, nos concitoyens; et pourtant tous ces ennemis sont si loin de nous nuire qu'ils nous tressent malgré eux des couronnes, qu'ils nous procurent des biens infinis : la sagesse de Dieu tournant leurs embûches à notre gloire et à notre salut. Voyez-vous comme personne n'est contre nous? Ce qui a augmenté la gloire de Job (311) c'est que le démon s'est armé contre lui. Le démon a en effet tout mis en oeuvre pour lui nuire : ses amis, sa femme, ses plaies, ses serviteurs; et rien de cela ne lui a fait de mal. Ce n'était pas encore beaucoup pour lui , bien que cela eût déjà une grande importance; mais ce qui était bien plus, c'est que tout a tourné à son profit. Car comme Dieu était pour lui, tout ce qui semblait être contre lui, lui est devenu avantageux. Ainsi en a-t-il été pour les apôtres. En effet les Juifs, les gentils, les faux frères, les princes, les peuples, la faim, la pauvreté, mille autres choses encore étaient contre eux, et pourtant rien n'était contre eux. C’est même 1à ce qui les a rendus glorieux , illustres et louables devant Dieu et devant l'es hommes. Pensez donc quelle grande parole Paul a prononcée en faveur des fidèles , de ceux qui sont vraiment crucifiés , parole que ne sauraient s'appliquer ceux mêmes qui sont ceints du diadème. En effet, contre un prince les barbares prennent les armes, les ennemis font irruption, les gardes du corps tendent des embûches, les sujets se révoltent souvent, mille autres dangers se présentent; mais contre le fidèle , attentif à observer exactement les lois de Dieu, l'homme ni le démon ne peuvent rien. En lui enlevant ses richesses , vous lui préparez une récompense ; en disant du mal de lui , vous le rendez par là même plus glorieux devant Dieu ; en le réduisant à la faim , vous augmentez sa gloire et sa récompense ; en le livrant à la mort, ce qui semble être le pire, vous lui tressez la couronne du martyre. Qu'y a-t-il donc de comparable à cette vie où rien ne peut nuire ; où ceux mêmes qui tendent des piéges ne sont pas moins utiles que des bienfaiteurs? Aussi Paul dit-il : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? »
Ensuite, non content de ce qu'il vient de dire, il rappelle encore le plus grand signe de l'amour de Dieu pour nous, celui qu'il ne perd jamais de vue : l'immolation du Fils. Non-seulement, nous dit-il, Dieu les a justifiés, glorifiés , rendus conformes à l'image de son Fils; mais il n'a pas même épargné ce Fils pour vous. Aussi ajoute-t-il-: « Lui qui n'a pas épargné même son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous , comment ne nous aurait-il pas donné toutes choses avec lui (32) ? » L'apôtre emploie ici des expressions énergiques et brûlantes , pour faire comprendre l'amour divin. Comment donc Dieu nous abandonnerait-il, lui qui n'a pas ménagé son propre Fils, mais l'a livré pour nous tous? Et songez quelle bonté c'est de ne pas ménager son propre Fils, mais de le livrer, et de le livrer pour tous, pour des êtres sans valeur, pour des ingrats, des ennemis, des blasphémateurs: « Comment ne nous aurait-il pas donné toutes choses avec lui ? » L'apôtre veut dire : S'il nous a donné son Fils, non pas simplement donné, mais donné pour être immolé, comment mettrez-vous le reste en doute, quand vous avez reçu le Maître lui-même? Comment douterez-vous de la propriété , quand vous avez le propriétaire? Comment celui qui a donné le plus à des ennemis, refusera-t-il le moins à des amis? « Qui accusera les élus de Dieu?... (33) ».